De la souffrance, les résidents de ces quartiers, surtout ceux de la catégorie 18-28 ans, n'hésitent pas à recourir, presque naturellement, à la pratique du crime. Que de scènes spectaculaires qui «sautent» au regard du visiteur des quartiers piteux de l'ouest du pays, périlleux du reste, au point d'y laisser sa vie. Il est question plus précisément, des douars (illicites?) de la wilaya de Mostaganem et de celle d'Oran, sachant que cette dernière est connue et reconnue comme étant la capitale du crime en Algérie. Et dans l'objectif de «casser les noyaux durs de la criminalité» pour paraphraser ce leitmotiv cher au chargé de la communication de la Gendarmerie nationale, les quartiers d'El-Hassi, Fellaoussen, Radar - rebaptisé Réconciliation nationale - Aïn Tadlest et beaucoup d'autres relevant des deux périphéries évoquées, ont été passés au peigne fin, au terme de descentes opérées par les éléments de cette corporation paramilitaire. Dans ces faubourgs contrôlés dans la nuit de mardi à Mostaganem, et jeudi dernier à Oran, l'atmosphère pesait vraisemblablement comme un lourd fardeau sur le dos des habitants. Mélancolique était leur mine, confrontés, d'une part, à une destinée austère et ardue, et de l'autre, à la hantise de la montée de la criminalité. Dans ces lieux, des délinquants de tout bord imposent -au sens cru du terme- leur diktat au détriment de misérables populations dépourvues de moyens élémentaires pour faire face à la rudesse de l'existence. D'aucuns s'accordent à dire, en effet, que «c'est dans ce genre de quartiers que pullulent les cellules de la petite criminalité», à savoir les histoires d'agressions à l'arme blanche, de même que l'accumulation de maraudages. «Ce quartier est réputé pour des attaques suivies de vols perpétrées, notamment sur des jeunes filles, et il est de notoriété publique, qu'ici, les vols par effraction sont aussi courants», nous confirme un citoyen de Fellaoussen, dans la commune de Bousfer, où beaucoup de jeunes ont été interpellés, jeudi dernier, par les gendarmes du groupement d'Oran. Dans la wilaya de Mostaganem, le commandant Chibani Toufik nous informe que le taux des coups et blessures volontaires (CBV) recensé pour l'année écoulée a connu une hausse de +46% par rapport à 2004. Il semblerait que l'oisiveté, et par ricochet la croissance du chômage, est l'un des facteurs ayant fortement contribué à la multiplication des forfaits criminels dans des endroits malsains, n'offrant aucune commodité digne de ce nom à ses occupants. 3429 affaires à Mostaganem Et comme «l'oisiveté est mère de tous les vices», ces mêmes endroits sont gagnés par la consommation «terrible» de cannabis et d'autres stupéfiants, ce qui ouvre les portes, de l'avis de beaucoup de gens, à la pratique délictuelle, à la fois répréhensible par la loi et désagréable pour le citoyen. Quelque 3429 affaires de droit commun ont été enregistrées, l'année passée, dans la wilaya de Mostaganem, où étaient impliquées pas moins de 2780 personnes. Les traitements de ces affaires se sont soldés par la saisie notamment de 24 kg de kif et de quelque 1906 comprimés psychotropes, au cours de la même année 2005. Parlons, justement, de Mostaganem, cette wilaya que le commandant Chibani décrit comme étant à vocation agricole à hauteur de 91% de ses terres, recèle un potentiel touristique certain, jusque-là inexploité par les pouvoirs publics, pour ne pas dire abandonné à l'état sauvage. Cette wilaya côtière est en effet si agréablement belle à contempler. Sauf que ce site pittoresque est malheureusement voué à l'amoncellement de déchets en tout genre, s'accumulant ici et là, partout sur son territoire. Aussi, le vécu social à Mostaganem est-il gravement miné par la tendance vers le mal. D'ailleurs, qu'ils relèvent de Mosta ou d'Oran, les habitants de ces deux wilayas, évoluant dans des faubourgs plutôt miteux, presque fantômes, «ont deux mères, toutes deux marâtres, et qui ont pour nom l'ignorance et la misère» pour reprendre Victor Hugo, dans son oeuvre les Misérables. «Là où le désintéressement s'évanouit et le démon s'ébauche vaguement, les hommes n'ont qu'un seul guide: le besoin; et pour toutes les formes de satisfaction» devait ajouter ce célèbre écrivain français dont la réputation continue à se perpétuer plus d'un siècle après sa mort. Une telle description correspond parfaitement aux quartiers visités, la semaine dernière, en compagnie des éléments de la sécurité publique. De la souffrance, les résidants de ces quartiers, surtout ceux de la catégorie 18- 28 ans, n'hésitent pas à recourir, presque naturellement, à la pratique du crime. Ils deviennent délinquants, ils agressent, ils volent, ils tuent même et sèment ainsi la psychose dans leur propre voisinage. Dans la nuit de mardi dernier, gendarmes et policiers de Mostaganem ont par ailleurs, combiné une descente expéditive, baptisée «opération Amene». Le plus ahurissant de cette opération a été sans doute le moment où le quartier Radar, relevant de la commune de Sayada et érigé anarchiquement sur un monticule surplombant la Grande Bleue, a été inspecté par les éléments de ces deux corps de sécurité. L'on découvre dans ce douar un ensemble de maisonnettes bâties confusément, sans le moindre respect des normes de construction. Aussi, ce quartier lugubre, est-il dépourvu de toute infrastructure pouvant offrir un environnement décent à ses habitants, notamment de centres de loisir au profit de jeunes sans emploi. Pire encore, «Radar est considéré comme le gîte de tous les délinquants de Mostaganem» souligne sans ambages un des brigadiers. Ses collègues n'ont d'ailleurs pas tardé à illustrer ses dires, en procédant à une interpellation massive et sans distinction de plusieurs jeunes gens, qui jusque-là étaient restés surpris par l'assaut des éléments de la sécurité. Tous ces jeunes étaient, en effet, contrôlés et fouillés car suspectés de détention de drogue. Gare à ceux qui ont omis chez eux leur CNI. Ces derniers étaient conduits au siège de la police ou de la gendarmerie pour examen de situation. En tout et pour tout, l'opération Amene à laquelle ont pris part plus de 200 gendarmes et autant de policiers, s'est traduite par l'interpellation de plus de 570 individus dans tout le territoire de Mostaganem. Parmi eux, 19 personnes ont été aussitôt arrêtées pour port d'armes blanches prohibées, quatre dont deux femmes pour le motif de prostitution, 26 pour celui de l'ivresse sur les lieux publics et quatre autres personnes pour détention et consommation de drogue. Les éléments de la sécurité mobilisés pour la réussite de cette opération ont également saisi au cours de celle-ci, plus de 400 bouteilles de boissons alcoolisées, neuf motocyclettes circulant sans papiers, quelque 300 grammes de kif traité, et - bien évidemment - un lot d'armes blanches de différentes dimensions. 511 individus poursuivis pour détournement du foncier Une autre descente des gendarmes a eu lieu 48 heures après l'opération Amene, soit au soir de jeudi dernier, dans plusieurs quartiers déplorables de la périphérie d'Oran. Cette seconde opération a vu la mobilisation de 350 gendarmes pour passer au peigne fin les bourgades de Fellaoussen, Haï El Hassi, Haï Essabah, Hassi Bounif et Ben Okba. L'on a eu à assister dans le sillage de cette seconde descente, au contrôle effectué dans le hameau de Haï El Hassi où résident quelque 35.000 habitants. Ces derniers, nous dit-on, sont issus des 48 wilayas du pays. L'on ajoute que la majorité de ces habitants a dû fuir le danger intégriste pour venir s'installer ici, à Haï El Hassi. Ce quartier dangereux, est du reste dénué de l'installation des conduites d'eau potable et de celles de gaz de ville. L'état de ses routes mettrait hors de lui M.Amar Ghoul, notre ministre des Travaux publics. 56 gendarmes ont été mobilisés jeudi dernier pour une fouille systématique de la plupart des individus résidant à Haï El Hassi où la délinquance fait des ravages. La descente des gendarmes, jeudi dernier à Oran, s'est matérialisée, quant à elle, par l'interpellation de 325 individus dont 24 ont été immédiatement arrêtés pour les mêmes motifs de port d'arme prohibé, usage et détention de stupéfiants et ivresse publique. Par ailleurs, le commandant du groupement d'Oran de la gendarmerie nous a informé que quelque 511 autres individus sont poursuivis par la justice pour le motif de détournement du foncier. La sortie sur le terrain de la Gendarmerie nationale effectuée à l'ouest du pays s'est terminée par une troisième descente opérée vendredi, à bord du train rapide Oran-Alger. A l'intérieur de celui-ci, deux jeunes gens ont été arrêtés pour le motif de contrebande d'habits. Un sexagénaire qui se dit être un charlatan pourvu de pouvoirs magiques -sauf celui de prévoir son arrestation- figurait également parmi le lot des personnes appréhendées.