Nous avons, fêté, hier, lundi 11 mai, la Journée mondiale des espèces menacées. Comme dans tout le monde entier, la Kabylie perd un patrimoine animalier important. Pernicieusement et silencieusement, la Kabylie est en train de perdre deux espèces endémiques dans l'indifférence générale. La sittelle de Kabylie comme la chèvre kabyle, deux espèces endémiques du terroir, sont plus que jamais menacées de disparition. Ni la communauté scientifique et universitaire ni les services concernés ni les pouvoirs publics ne semblent hélas s'en inquiéter. Pour la sittelle de Kabylie, un bel oiseau, qui disparaît de jour en jour, il aura fallu la contribution d'un chercheur belge, Jean Paul Ledant, qui l'a d'ailleurs découverte en 1975 dans les forêts des Babors. Pourtant, en théorie, cette race est juridiquement protégée par l'Etat algérien. La sittelle de Kabylie fait partie intégrante des 32 espèces d'oiseaux protégées par le décret N° 83-509 du 20 août 1983 réglementant la protection des espèces animales non domestiques. Au niveau international, la sittelle de Kabylie est protégée depuis 1995 suite aux efforts monumentaux consentis par the Council of Bird Préservation qui est devenu par la suite Bird Life International qui n'a pas cessé depuis 1980 de demander au gouvernement fédéral américain de joindre la liste de 60 espèces à protéger dont la sittelle de Kabylie. Malgré cet arsenal juridique théorique, sur le terrain, c'est le silence total. Il n'y a pas de recherche universitaire ni d'intervention des services concernés pour arrêter la machine de disparition de cet oiseau qui se trouve encore en petits groupes dans les Babors à Bordj Bou Arréridj, Sétif et Béjaia. On estime sa démographie à quelque 1000 oiseaux dont 80 couples vivant à l'intérieur du parc Taza, les monts de Guerrouch, Tamentout et Djemila à Sétif. La sittelle est aujourd'hui menacée par les feux de forêt qui consument les forêts, mais aussi par l'activité pastorale bovine qui empêche la régénération du couvert végétal. Parallèlement à la sittelle, la Kabylie perd aussi sa chèvre endémique. Une espèce très adaptée aux conditions climatiques locales qui se voit concurrencée par des espèces importées. En effet, l'importation de certaines espèces étrangères a fini par faire reculer la race locale qui tend pratiquement à disparaître. Pourtant, de l'avis des connaisseurs, c'est la chèvre kabyle endémique qui s'adapte le mieux aux caractéristiques du relief et du climat locaux. A noter que les scientifiques décrivent la chèvre kabyle «de petite taille, au poil long, les oreilles tombantes, le profil convexe, à cassure nasale peu accentuée; sa robe va du brun foncé au noir, son squelette a conservé les caractères principaux des caprins fossiles du Néolithique; le cornage dressé varie peu: même forme légèrement vrillée dont les extrémités sont écartées vers l'extérieur et la longueur constante. Il s'est conservé à l'état initial dans tous les massifs montagneux du littoral, de la Kabylie au Rif marocain». En fait, ce type est ubiquiste dans tout le Maghreb, on le reconnaît aussi bien dans le Sud tunisien que dans l'Aurès et le Haut Atlas. Celle-ci présente des avantages considérables pour les populations rurales les plus démunies: son alimentation ne pose pratiquement aucun problème; son agilité lui permet de brouter des touffes inaccessibles aux moutons et aux bovins, son éclectisme alimentaire est tel qu'elle absorbe la plus grande partie des ordures ménagères. Docile à la traite, la chèvre kabyle fournit un lait riche et assez abondant. A noter enfin que selon une étude de l'Union internationale pour la conservation de la nature (Iucn), ce sont plus de 20 000 espèces de plantes et animaux qui sont menacées de disparition. Cette journée a pour but de sensibiliser le monde scientifique et le grand public sur ce constat inquiétant.