La tradition veut que tout au long du mois de jeûne, les chaînes télé rivalisent de créativité pour battre les records d'audimat. Mais cette année, il semble qu'elles se soient lancé un autre défi, celui d'attirer le plus de réprobation. Et le pari est gagné, puisque l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav), l'Organisation algérienne de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce) et les téléspectateurs, boudent et critiquent les programmes des chaînes de télévision pendant ce mois de Ramadhan. Ils déplorent leur qualité, estimant qu'ils ne répondent aucunement aux attentes du public. Surtout que la crise sanitaire du coronavirus, n'offre pas d'autre choix de détente aux Algériens que celui de la télévision. Si certains expliquent cette défaillance des programmes des chaînes de télévision par la crise du coronavirus, arguant «la crise sanitaire a empêché certains producteurs de mettre en avant leur potentiel», d'autres en revanche, affirment que le nouveau coronavirus a permis de «dévoiler un secret de Polichinelle!». Crise et défaillance C'est le cas, notamment de Aziz Hamdi, membre du Groupe de travail sur la politique culturelle en Algérie. «La production télévisuelle, est à l'agonie, on doit vraiment arrêter de vouloir trouver des explications qui ne tiennent pas la route», estime-t-il. Le problème dépasse la saison «Ramadhan 2020», puisque depuis des années déjà «les produits ne font pas l'unanimité», allant même jusqu'à créer des «polémiques stériles et parfois même des scandales». Selon Hamdi, les raisons d'un constat aussi amer, sont nombreuses et peuvent se résumer en trois points. Le premier point étant l'amateurisme. «Je ne veux pas dire par là, que nous sommes dans un pays dénué de talents, bien au contraire, mais le circuit de la production ne répond pas du tout aux critères du talent». Et d'ajouter: «Des agréments de producteurs sont délivrés à certaines personnes, sans que celles-ci aient l'étoffe et sans rien savoir du métier!». Les critiques du militant culturel, qui connaît bien le monde de la production, ne s'arrêtent pas là. Il explique en outre que «généralement, ces producteurs attendent l'approche du Ramadhan, trouvent un sponsor et montent un projet autour du financement obtenu. Et toute la machine de production se lance dans la précipitation». Deuxième point, l'absence de production au cours de l'année. «La critique sera de plus en plus dure vis-à-vis des productions télévisuelles, puisque le public attend durant toute l'année, pour pouvoir regarder quelques feuilletons, sachant que durant le reste du temps il est nourri avec des productions occidentales ou orientales grandioses». D'autant, soutient Aziz Hamdi, que la sociologie du spectateur on ne la connaît pas. Le dernier point soulevé par Aziz Hamdi, tient dans «l'absence de chaînes spécialisées». Il explique: «Les chaînes spécialisées encouragent la production à l'année, mais aussi, laissent au public le choix de regarder le genre de programme qu'il aime. Avec les chaînes généralistes, tous ces publics se retrouvent à tirer à bout portant sur le même produit, avec pour chacun son angle de vision, mais si on classifie, on évite déjà de créer ces polémiques». Quel produit pour quel public? Même son de cloche chez Idir Benaïbouch, comédien, qui affirme, «aujourd'hui, les producteurs, les chaînes de télé, ne connaissent pas leurs publics, ni les envies ou les évolutions de ce dernier, puisque, aucune étude pour le comprendre ne se fait». Le comédien déplore par ailleurs, «le vide juridique» expliquant, «les contrats de travail ne sont pas régis par des textes de lois clairs» Mais pour le jeune comédien, habitué des tournages, le plus grand problème est le rapport des producteurs avec leurs «sponsors» et dira «les productions vivent avec l'argent du sponsoring, et les responsables de ce dernier donnent leurs avis sur tout, parfois même sur le choix des comédiens. Pis encore, même des comédiens amateurs (je veux dire instagrameurs, Youtubeurs) sont mis en avant, non pas pour leur talent, mais simplement, pour le nombre de personnes qui les suivent sur leurs réseaux respectifs, ce n'est pas nouveau, cela se fait dans le monde entier. Cela offre un sacré avantage pour une production d'avoir des influenceurs, mais, pas au détriment de la qualité du produit». Pour finir, Idir Benaïbouch, regrette que «le critique» ne soit pas un métier à part entière. «Les études de critique doivent être intensifiées, puisque c'est le seul moyen de permettre des études sociologiques pour déterminer et répondre aux envies du public». D'ailleurs, pour lui la formation des critiques permettra aussi d'assainir le débat.