L'Expression: Le ministre de la Santé a parlé d'un retour à la normale dans les hôpitaux, pouvez-vous nous expliquer ce que cela veut dire? Docteur Toufik Djerboua: Cela veut dire que l'activité classique des hôpitaux, pour rappel, a été quasiment bloquée pour deux raisons, la première, faire face à l'épidémie de Covid-19 et la deuxième: éviter que l'hôpital ne devienne le principal propagateur de la maladie. Et là, elle devrait reprendre, y compris les consultations et la chirurgie des diverses spécialités médico-chirurgicales. En termes de politiques sanitaires, quel bilan faites-vous? Et à votre avis, quelles seront les réformes urgentes à mener? Le constat le plus frappant sur le plan sanitaire, est notre dépendance des importations, que ce soit en fournitures médicales ou en matériel de diagnostic. Dans cette situation pandémique particulière, les pays exportateurs ont dû garder leurs stocks, pour eux, induisant un retard et une instabilité du diagnostic des malades potentiels. Les chiffres en disent long, entre le nombre de patients (diagnostiqués) qui est bien inférieur au nombre de patients (traités), ce fossé représenterait le nombre d'individus n'ayant pas bénéficié de diagnostic. Autre constat affligeant, pour 40 millions d'habitants, un seul institut est sollicité et cela même dans un contexte épidémique. Cela traduit le retard scientifique et médical, parfois de confiance, que connaissent les laboratoires des structures hospitalières publiques. à côté de cela, ajouter, que durant cette période, les interventions ont été aléatoires, je m'explique, il y a eu beaucoup d'intervenants en matière de diagnostic du Covid-19, qui ne sont pas réellement experts en la matière. Et cela avait généré beaucoup de flou, de confusion, voire d'informations erronées et même de pratiques non validées par les organismes scientifiques internationaux. A ce stade, toutes les réformes sont urgentes, à mener, mais je pense que «l'autonomie» est la plus urgente, nous ne pouvons plus dépendre des importations pour les gants, les masques ou les réactifs. Les potentiels et les capacités sont là et attendent juste «les autorisations pour travailler». Pour ce constat, je me focalise sur mon domaine d'intervention, à savoir, la microbiologie médicale, il y a d'autres secteurs comme l'épidémiologie, la veille sanitaire, la réanimation, l'observatoire des maladies infectieuses classiques et émergeantes... Il est clair que les réformes doivent être urgentes et ciblés. Selon l'OMS, le Covid-19 s'installera dans la durée en Afrique, pouvez-vous nous expliquer pourquoi? Je dois avouer que je ne suis pas au courant de cette «information» qui vient de l'Organisation mondiale de la santé. Mais je suis persuadé d'une chose, il faut prendre «les prédictions» avec la plus grande prudence. Seule la preuve du temps pourra le démontrer. Et puis, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une infection aiguë, aucun cas chronique n'a été décrit pour le moment. La menace d'une deuxième vague de contamination est-elle à prévoir après le déconfinement? La «deuxième vague» est un mythe qui a été évoqué lors de la grippe de 1918, plus connue sous le nom de la «grippe espagnole», mais cette «théorie» n'a jamais été observée depuis, durant les épidémies qui ont traversé l'humanité, ni durant l'épidémie de Sars-1 de 2002 ni celle de la grippe porcine de 2011 ni celle du Mers-COV de 2014. Je souligne, cela dit, que le Sars-1 le Mers-Cov sont des coronavirus. Je veux dire par là, que c'est impossible et surtout dangereux de faire des prévisions. Partant de ces données, la probabilité de la réapparition d'une seconde vague épidémique après la disparition totale de la première est faible.