En théorie, après une primo-infection, le malade développe des anticorps protecteurs qui lui assurent l'immunité. Mais dans le cas de la Covid-19, plusieurs questions restent en suspens : combien de temps ces anticorps nous protègent-ils ? Existe-t-il des cas de ré-infection, ou s'agirait-il plutôt de patients atteints de "formes longues" de la maladie ? Que sait-on sur la durée de vie des anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 ? Le coronavirus pourrait rester "en dormance" dans l'organisme ? Pour l'heure, il n'existe aucune certitude", insiste le Dr Pierre Zachary, pharmacien biologiste, responsable des sérologies infectieuses au sein du groupe de biologie médicale Biogroup-LCD. Que sait-on sur la durée de vie des anticorps spécifiques au SARS-CoV-2 ? En théorie, une personne déjà infectée par un virus est immunisée contre ce dernier. Lorsque notre organisme entre en contact avec un virus, il développe des anticorps spécifiques capables de reconnaître et de combattre plus efficacement ledit virus lorsqu'ils y sont à nouveau confrontés. C'est d'ailleurs sur ce principe que repose la vaccination et "l'immunité collective" : lorsque 60 % de la population a été en contact avec le virus, son taux de reproduction (le nombre de personnes contaminées par un malade), tombe à 1 et l'épidémie ne se propage plus, explique le mathématicien et épidémiologiste Jean-Stéphane Dhersin, au site 20 minutes. Dans le cas du SARS-CoV-2, une ombre pourrait s'ajouter au tableau : "Il semblerait malheureusement que les personnes infectées par le coronavirus perdent progressivement leurs anticorps, indique le Dr Pierre Zachary. On reçoit maintenant des patients qui ont été testés positifs aux mois de mars et d'avril, mais qui, aujourd'hui, ont clairement perdu leurs anticorps". Et le spécialiste de poursuivre : "On perd probablement ses anticorps, de façon plus ou moins rapide en fonction de la sévérité de la maladie au départ. Les personnes qui perdent rapidement leurs anticorps pourraient avoir souffert de formes peu symptomatiques, voire asymptomatiques de la maladie. À contrario, il est possible que les malades très symptomatiques, ou ayant été hospitalisés en réanimation perdent moins vite leurs anticorps". Un constat potentiellement dramatique pour la vaccination. En mars dernier, une étude chinoise (publiée dans la revue BioRxiv) se penchait sur la probabilité d'une ré-infection au SARS-CoV-2. Les scientifiques ont inoculé une seconde fois le coronavirus à des macaques officiellement guéris. Les animaux n'auraient développé ni symptômes de la maladie, ni de nouvelle charge virale, "ce qui suggère qu'une infection primaire protège effectivement du virus", ont-ils indiqué. Selon une étude ((publiée en octobre 2007 dans la revue Emerging Infectious Diseases) portant sur l'épidémie de SRAS qui a frappé la Chine en 2003, le taux d'anticorps produits spécifiquement à l'encontre du SARS-CoV-1 reste stable pendant deux ans environ, avant de chuter drastiquement la troisième année, "ce qui suggère qu'une ré-infection serait possible après trois ans". Pour autant, aucune ré-infection de patient par le SARS-CoV1 n'a été rapportée. Le coronavirus pourrait rester "en dormance" dans l'organisme Certains cas apparents de ré-infection au coronavirus chez des patients à priori guéris ont toutefois suscité l'inquiétude (notamment en Chine et au Japon). Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : une défaillance des tests de dépistage, la possibilité que des échantillons aient été mal conservés ou encore que la charge virale soit insuffisante pour être détectée. Mais selon l'hypothèse la plus probable, les patients en question souffriraient d'une infection prolongée au coronavirus, non d'une ré-infection. Autrement dit, le virus serait toujours présent dans leur organisme sans être détecté et pourrait être "réactivé", en raison d'une maladie annexe par exemple. Là encore, le Dr Zachary insiste sur le principe de précaution : "Certains malades peuvent présenter une expression du virus sur plusieurs mois : parmi nos patients, certains ont été testés positifs au mois de mars et l'étaient toujours au mois de juin. Est-ce toujours la même infection ? Est-ce une ré-infection ? C'est très difficile à dire pour le moment. On peut penser que des patients ayant souffert d'une forme très peu symptomatique (avec très peu de stigmates immunitaires) puissent être ré-infectés si les conditions sont défavorables." Rappel : les potentiels cas de ré-infections n'ont pas été authentifiés scientifiquement. La piste d'une immunité cellulaire contre le SARS-CoV-2 Une étude menée récemment en collaboration entre les CHU de Strasbourg et de Rouen (et dont les résultats ont été publiées le 22 juin dans la revue MedRxiv) semble indiquer que notre organisme est capable de constituer une immunité cellulaire dirigée contre le coronavirus. Les scientifiques ont cherché à comprendre pourquoi certaines personnes en contact avec des patients positifs à la Covid-19, présentent des symptômes typiques de la maladie, et, malgré tout, une sérologie négative. Ils ont ainsi étudié la réponse immunitaire humorale et cellulaire chez 17 volontaires appartenant à 7 familles différentes. (Dans chaque famille, il y avait au moins une personne ayant développé la maladie et n'ayant pas été hospitalisé). Conclusions ? Tous les patients Covid-19 ont développé une réponse cellulaire T contre plusieurs antigènes du SARS-CoV-2, détectable jusqu'à 69 jours après les symptômes. Les personnes contacts de ces patients ont gardé une sérologie négative mais ont développé une réponse immunitaire cellulaire avec une fréquence de lymphocytes T (globules blancs présents dans le sang et dont le rôle est de défendre l'organisme face aux agressions infectieuses ) équivalente à celle des patients Covid-19 et supérieure à celles des sujets contrôles. "Cela tend à prouver qu'une infection transitoire par le SARS-CoV-2 s'est produite chez ces personnes et que la réponse immunitaire cellulaire serait plus sensible que les anticorps pour prouver une infection au SARS-CoV-2", concluent les chercheurs. "C'est une voie qui a l'air assez prometteuse !, confie le Dr Zachary. Si ces personnes présentant une immunité cellulaire sont un jour confrontées au coronavirus, elles lutteront probablement de manière plus efficace contre l'infection".