Ibn Khaldoun est-il un Berbère? C'est à cette question que Younès Adli tenta de répondre. L'oeuvre et la vie d'Ibn Khaldoun, l'homme politique, le savant, l'enseignant, ont été jeudi passé au centre d'une journée d'étude initiée par l'association Gehimab, groupe d'études sur l'histoire des mathématiques médiévales à Béjaïa, organisée au Théâtre régional de Béjaïa (TRB). Des communications retraçant l'épopée d'Ibn Khaldoun ont marqué la rencontre qui a visé deux objectifs : débattre de l'oeuvre et la vie de cette personnalité universelle et célébrer le 6e centenaire de sa disparition. Pour animer ce colloque, Gehimab a invité un panel d'universitaires et chercheurs pour satisfaire la curiosité et les interrogations des nombreux lycéens, collégiens et autres anonymes, nombreux dans la salle. C'est un immense Maghrébin au sens propre du Maghreb et Béjaïa manifeste de la reconnaissance envers ce grand savant. Les Occidentaux l'ont porté haut mais, il faut bien l'avouer, ils ont adopté d'abord une forme de curiosité avant de s'intéresser à lui, précisa Slimane Hachi. «C'est en Occident que j'ai découvert Ibn Khaldoun », déclare Djamel Chabane, universitaire. Notre société ne lit pas mais on le cite beaucoup plus. Nous faisons des conférences mais ont-elles vraiment un impact? Le travail d'Ibn Khaldoun repose sur les causes, le constat et la vision des choses et l'expérience scientifique qui consiste à observer. Le savant était en avance sur son temps; il avait sa petite idée sur la pollution qui provoque des problèmes respiratoires, il a ouvert la porte de l'écologie qui mène à la protection de l'environnement. Ibn Khaldoun, dit-il, refuse de s'enfermer dans le concept religieux où le mot islam semble être cloîtré, car, à côté, il y a la recherche, les sciences, les mathématiques qu'il faut entreprendre, des matières qui ne sont pas incompatibles avec la religion, et de s'interroger... Béjaïa a formé de nombreux savants ; aujourd'hui le pays forme (les écoles) des chômeurs ; nos universités comptent un million d'étudiants et pourtant nous importons tout, il s'agit peut-être de l'environnement comme l'a si bien expliqué Ibn Khaldoun, il faut être doué pour apprendre, c'est la théorie des climats. Ibn Khaldoun est-il un Berbère? C'est à cette question que Younès Adli tenta de répondre. Le penseur a vécu dans un milieu où les guerres inter-royautés sont fréquentes. Nous savons qu'Ibn Khaldoun est né à Tamezgha. Il a vécu du XIVe au XVe siècle dans une seule terre, la Berbérie. Pour les Occidentaux du Ve au XVe de l'ère médiévale, Ibn Khaldoun est un historien, il sépare l'histoire de la légende loin des critères religieux, il fait une approche pour comprendre l'Etat et la société. Une société qui ne peut être rassemblée autour du concept religieux. De son côté, Mohand Ouamar Bibi, universitaire à Béjaïa, déclara à propos de la fameuse phrase «Idha ourribet, khouribet» que cette déclaration du savant est une allusion non voilée aux Bédouins au comportement violent, qui répandent la terreur sur leur passage, on ne peut franchir le pas pour dire qu'Ibn Khaldoun est laïc, il s'est engouffré dans le soufisme, une doctrine qui pousse à la pensée et à la retraite ainsi qu'au renoncement au monde; on peut être laïc mais pas dans le sens de la direction indiquée par le monde occidental. Au fait, pourquoi compare-t-on Kahina à Jeanne D'arc, Abbane à Jean Moulin; il faut avoir ses propres repères, la laïcité européenne n'est pas universelle. Plusieurs études ont été consacrées à l'oeuvre de ce grand personnage et publiées; son nom se décline à l'infini dans les intitulés des colloques. Ibn Khaldoun le savant, le scientifique, l'homme politique, l'historien, le sociologue, Ibn Khaldoun inspire, passionne, fait et défait les carrières universitaires; c'est peut-être la raison qui a poussé M.Djamil Aïssani, président de Gehimab, à faire appel à la tenue d'un colloque international sur Ibn Khaldoun, les 17, 18 et 19 juin prochain (sans doute) à Béjaïa.