Le 19 mars est une date qui marque l'aboutissement de près de huit années d'une lutte de libération du pays où la mort, le sang et les larmes étaient le lot quotidien des Algériens. Une lutte qui a été entreprise grâce à l'esprit de sacrifice suprême de ceux qui avaient pris les armes contre l'occupant. Un million et demi d'entre eux y ont d'ailleurs laissé leur vie. D'autres ont survécu et pu assister au grand jour que fut l'indépendance retrouvée. Mais tous, par leurs actes, ont marqué notre histoire. Autant de pans que les dates de commémoration permettent de rapporter. Comme le parcours de Bazi Ali, cet Algérien qui à l'époque ne s'est enrôlé dans la police française que pour mieux servir la révolution. Alger, fin de l'été 1956: revenant du congrès de la Soummam qui donna toute sa dimension politique à la lutte armée et dont il avait assuré le secrétariat général, le martyr Larbi Ben M'hidi décide, ainsi que ses compagnons du CCE, de s'installer dans la capitale pour coordonner des actions à multiple portée : ébranler les certitudes du colonialisme qui a surestimé sa puissance de feu et assurer une place de choix à la «question algérienne» dans les ordres du jour des forums internationaux. Pour ce faire, Ben M'hidi n'hésita pas à élire domicile au coeur de la bataille, c'est-à-dire à la Casbah d'Alger. Là, et tout en mettant au point les préparatifs de la grève des 8 jours, prévue pour janvier 1957, il donna une nouvelle impulsion à la guérilla urbaine, caractérisée notamment par deux réseaux de bombes. Si le réseau qui a à son actif les célèbres explosions du Milk Bar, du Coq Hardi, du Maurétania ect... est le plus connu, cela est dû aux valeureuses femmes qui en faisaient partie, telles Djamila Bouhired, Djamila Boupacha, Zohra Drif et bien d'autres. Un autre réseau, qui pourtant était très actif à la même période, c'est-à-dire en 1956, ne fut véritablement découvert qu'en été 1957 alors que Massu avait cru avoir gagné la Bataille d'Alger et que des bombes placées dans des lampadaires de la ville ont vite démenti. Ce deuxième réseau devait sa longévité à la composition de ses membres «au-dessus de tout soupçon» pour les forces coloniales et leurs fausses convictions. Le réveil a été brutal lorsque les journaux titraient à la une en cette fin d'octobre 1957 l'arrestation des 22 membres de ce deuxième réseau. 22 membres «pas comme les autres», puisque le chef était un artiste très connu sous le nom de Habib Réda, de son vrai nom Hattab Mohamed. Et parmi les 3 femmes qui faisaient partie du groupe, 2 étaient également des artistes très connues: Aouichet de son vrai nom Achour Fatma-Zohra et Madani Goucem (soeur de Fadhéla Dziria). Mais ce qui allait le plus désarçonner Massu c'est que le groupe comprenait également un fonctionnaire de police. En effet, Bazi Ali, alors âgé de 29, ans était un agent de police dont l'uniforme faisait de lui un précieux fidaï. Le général Massu se garde bien d'en parler dans ses mémoires. Par contre Yacef Saâdi, le chef de la Zone autonome d'Alger qui relate la pose de deux bombes (qui allaient être déterminantes à la décision dite «des pouvoirs spéciaux») à Alger le cite ainsi: «Lui (Habib Réda) et Bazi (qui avait rejoint le FLN dès 1955), comme à son habitude, vêtu en sergent de ville...ne purent rejoindre la rue d'Isly (actuellement rue Larbi-Ben-M'hidi) qu'après avoir franchi pas moins de six barrages bardés de chevaux de frise». La France venait de se rendre compte de sa grande méprise sur l'engagement des Algériens, quelles que fussent les apparences prises. Après sa libération de prison à l'indépendance, Ali Bazi vécut dans l'humilité et la discrétion absolues jusqu'à son décès, il y a quelques semaines à peine.