Les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali et poussé à la démission le président Ibrahim Boubacar Keïta ont affirmé dans la nuit de mardi à mercredi vouloir mettre en place une «transition politique civile» devant conduire à des élections générales dans un «délai raisonnable». Plus de trois heures après l'annonce par le président Keïta de sa «décision de quitter toutes (ses) fonctions», à l'issue d'une journée de mutinerie qui s'est transformée en coup d'Etat militaire, des hommes en uniformes sont apparus sur la chaîne publique ORTM. Il était alors 03h40 du matin (GMT et locales). «Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l'histoire», a déclaré celui qui a été présenté comme le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air. «Notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée», a accusé l'officier. Il a dénoncé le «clientélisme politique» et «la gestion familiale des affaires de l'Etat», ainsi que la «gabegie, le vol et l'arbitraire», une justice «en déphasage avec les citoyens», une «éducation nationale qui patauge» ou encore des massacres de villageois, le «terrorisme et l'extrémisme». «La société civile et les mouvements socio-politiques sont invités à nous rejoindre pour, ensemble, créer les meilleures conditions d'une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles pour l'exercice démocratique à travers une feuille de route qui jettera les bases d'un Mali nouveau», a ajouté le colonel-major. Il a demandé aux organisations internationales et sous-régionales de les «accompagner pour le bien-être du Mali». «La (mission de l'ONU) Minusma, la force (anti-jihadiste française) Barkhane, le G5 Sahel (qui regroupe cinq pays de la région), la force Takuba (un groupement de forces spéciales européennes censées accompagner les Maliens au combat) demeurent nos partenaires», a-t-il également affirmé. «Tous les accords passés» seront respectés, a-t-il déclaré, en affirmant que les militaires étaient «attachés au processus d'Alger», l'accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les groupes armés du nord du pays. «Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d'organiser dans des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter d'institutions fortes», a également dit Ismaël Wagué. L'Algérie exprime son «ferme rejet» de tout changement anticonstitutionnel L'Algérie a réitéré, hier, son «ferme rejet» de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement au Mali, affirmant que la doctrine de l'Union africaine en matière de respect de l'ordre constitutionnel ne «peut faire l'objet d'aucune violation». «L'Algérie réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement, conformément aux instruments pertinents de l'Union africaine, en particulier la Déclaration d'Alger de 1999 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007», indique le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Et d'affirmer que «la doctrine de l'Union africaine en matière de respect de l'ordre constitutionnel ne peut faire l'objet d'aucune violation». L'Algérie qui a dit suivre avec «une très grande préoccupation la situation prévalant au Mali, pays frère et voisin» a appelé «toutes les parties au respect de l'ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide». Elle rappelle, à cet égard, que «seules les urnes constituent la voie pour l'accession au pouvoir et à la légitimité». Le chef de l'ONU appelle à la libération «sans conditions» du président malien Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé, mardi, à la «libération immédiate et sans conditions» du président malien Ibrahim Boubacar Keïta, arrêté par des militaires en révolte. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni de son côté, hier après-midi en urgence à huis clos au sujet des derniers développements de la crise politique malienne, à la demande de la France et du Niger, qui préside actuellement la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), selon des sources diplomatiques. «Le secrétaire général condamne fermement ces actions et appelle au rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et de l'Etat de droit au Mali», a déclaré son porte-parole dans un communiqué. «A cette fin, il exige la libération immédiate et sans conditions du président Ibrahim Boubacar Keïta et des membres de son cabinet», a-t-il ajouté, exhortant «toutes les parties prenantes, en particulier les forces de défense et de sécurité, à faire preuve de la plus grande retenue». Antonio Guterres a également apporté son «plein appui» à l'Union africaine et à la Cédéao pour parvenir à «une solution négociée» et «pacifique». Réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni, hier, en urgence au sujet de la crise au Mali, où le président Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre ont été arrêtés par des militaires, a-t-on indiqué de source diplomatique. La réunion s'est tenue à huis clos dans l'après-midi à la demande de la France et du Niger, qui préside actuellement la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Le président Ibrahim Boubacar Keïta a été arrêté, mardi, par des soldats qui se sont mutinés, ont rapporté, mardi, des agences de presse, citant des sources sécuritaires. «L'arrestation est intervenue après le rassemblement par des soldats maliens de plusieurs hauts responsables civils et militaires pour les ramener à leur base», indique Reuters, citant deux sources proches des services de sécurité. Avant même l'annonce de l'arrestation du président et de son Premier ministre, les pays de l'Afrique de l'Ouest, la France ou encore les Etats-Unis avaient exprimé leur inquiétude et dénoncé toute tentative de renversement du pouvoir. L'Union africaine condamne fermement Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a condamné «fermement» l'arrestation, mardi, du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, par des militaires en révolte. Le président de la Commission de l'UA a condamné «fermement toute tentative de changement anti constitutionnel et appelle les mutins à cesser tout recours à la violence et au respect des institutions républicaines». Il a également appelé «la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), les Nations unies et toute la communauté internationale à conjuguer efficacement leurs efforts pour s'opposer à tout recours à la force pour la sortie de la crise politique au Mali».