Fatiha Soal est la première femme présidente de l'Asila. rencontre avec une femme de caractère. «Je suis une femme heureuse même si je vis avec l'impression que chaque jour est un nouveau combat ». Voici comment, Fatiha Soal, libraire de son état, résume sa carrière à succès et les difficultés que cela engendre. Un parcours sans faute, jusqu'à présent, au sein de la communauté, très fermée, des libraires. Et pourtant, pour cette présidente de l'Association des libraires d'Algérie, tout n'était pas qu'évidence à ses débuts... Etudiante, elle était vouée à une carrière juridique. De fil en aiguille, et à mesure de rencontres qui changent la vie, comme c'est souvent le cas, elle a atterri dans les hautes sphères de l'Entreprise nationale du livre, l'Enal. Sa fonction alors était directrice d'édition. Déjà l'ambition de la jeune Fatiha ne manquait pas d'aplomb et sa résistance grande. «Je me suis construite toute seule, en faisant mes preuves, professionnellement», assure-t-elle. Le grand changement de sa vie fut, sans doute, la privatisation progressive des librairies à la fin des années 90- début 2000. Car, précisons-le, avant cette période, seules l'Enag (Entreprise nationale des arts graphiques), l'Anep (Agence nationale d'édition et de publicité) et l'Opu (Office de publications universitaires) avaient le monopole exclusif de l'édition à travers tout le territoire national. Le secteur du livre n'était alors pas à son apogée et ne constituait pas un marché satisfaisant. Ainsi, pour s'offrir à l'économie de marché, le secteur de l‘édition a dû se privatiser. C'est dans le cadre de cette reforme que Fatiha Soal a pu ouvrir sa librairie «Ibn Khaldoun», rue Didouche Mourad, en plein centre de la capitale. Sa plus grande fierté : «Nous sommes seulement quatre femmes directrices de librairie dans toute l'Algérie». Une preuve par les chiffres que tout n'est pas si simple pour ces femmes, amoureuses de littérature et en quête d'échanger cette passion. Et pourtant, c'est bien une dame qui représente tout ce monde! En 2001, Madame Fatiha Soal a été promue présidente de l'Association des libraires d'Algérie qui défend les droits de la profession. «Une femme c'est aussi un élément rapprocheur. Or, être à la tête de cette association signifie aussi posséder assez de diplomatie et d ‘'écoute'' pour unifier la profession». Pour honorer la confiance de ses pairs, depuis deux mandats successifs déjà, Fatiha s'est donné une mission d'une grande envergure: «Mon projet est de créer dans ce pays, une librairie moderne. Qu'elle constitue un maillon essentiel dans le marché du livre et non plus un quelconque point de vente. Je veux qu'elle représente en quelque sorte la vitrine de la culture universelle» Et, pour ce faire, de nombreux défis sont à relever pour faire une librairie démocratique et concurrentielle. Elle devra, bien sûr, mener la vie dure à un certain relent de censure qui caractérise encore ponctuellement le monde de l'édition. De plus, le marché du livre demeure une culture d'élite au regard du prix encore trop élevé des livres importés. Une petite révolution s'amorce donc dans le milieu. Mais gageons que notre dame de caractère a la carrure nécessaire pour mener tous ces combats de front en usant de sa douceur et de sa détermination, comme elle a toujours su le faire...