Les deux chefs d'Etat se réuniront avec un agenda des plus chargés et des enjeux exceptionnels. Des sources crédibles du ministère des Affaires étrangères affirment que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, rencontrera le roi du Maroc, Mohamed VI, en marge du Sommet arabe qui se tiendra dans la capitale soudanaise, Khartoum, les 28 et 29 mars. Du coté diplomatique algérien, comme de celui des Marocains, on pronostique que la rencontre aboutira certainement sur l'ouverture des frontières communes avant l'été 2006, bien que certains diplomates algériens regrettent que la visite du souverain chérifien dans les territoires sahraouis, il y a deux jours, est venue sonner comme une provocation et s'insinuer comme «un cheveu dans la soupe» au moment où la situation semblait aller dans le bon sens, notamment avec un échange épistolaire entre Bouteflika et Mohamed VI des plus amicaux. Pendant un moment, on a pensé que c'est le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui dirigera la délégation algérienne au Soudan, les médecins préconisant plus de repos pour le président Bouteflika, éprouvé par la maladie dont il se relève peu à peu. Cependant, il semble acquis que c'est le président lui-même qui dirigera la délégation algérienne. Hormis cette information, on apprend aussi de source généralement bien informée que le président égyptien Hosni Moubarak affiche des réticences concernant son départ pour Khartoum si la présence de Hassan Tourabi se confirme. Le président égyptien garde toujours en mémoire que c'était un groupe proche des Frères musulmans soudanais, dont Tourabi faisait partie, qui avait tenté de l'assassiner lors d'une visite au Soudan, en 1996. D'autres points politiques majeurs seront débattus, dont la situation dramatique au Darfour, qui exacerbe les tensions ethniques et politiques au Soudan, lequel exigera certainement une motion finale de maintien des Forces africaines sur place et contrecarrer de la sorte, l'exigence américaine d'envoyer des Forces multinationales sous l'égide de l'ONU. La Ligue arabe tentera aussi de trouver une solution pour l'Irak. Elle s'est depuis quelques mois investie dans une mission difficile pour réconcilier sunnites, chiites et kurdes en Irak, alors que ses pays membres, pressentis par Washington pour envoyer des troupes sur place, ont poliment décliné la proposition américaine. Si la mission de la Ligue arabe a eu le mérite de permettre un premier dialogue entre les protagonistes de la scène politique en Irak, les réunions du Caire d'abord, de Baghdad ensuite, elle n'a pas, en revanche, permis de percer vers une entente nationale. De fait, la conférence de réconciliation, prévue début mars à Baghdad, a été reportée à juin, mais aucune date précise n'a encore été fixée pour sa tenue, en attendant la mise en place du nouveau gouvernement irakien dont la formation suscite toujours des divergences entre chiites, sunnites et Kurdes. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, s'est lui-même déclaré conscient de la difficulté de sa tâche mettant en garde, à plusieurs reprises, contre «des attentes exagérées». De leur côté, les Etats-Unis souhaitaient que les pays arabes jouent un rôle sécuritaire en Irak et ont pressenti certains d'entre eux pour envoyer des troupes dans ce pays afin de permettre un retrait graduel des quelque 130.000 soldats américains. Lors d'une visite au Caire, en janvier, du vice-président américain Dick Cheney, le chef d'Etat égyptien Hosni Moubarak a opposé poliment une fin de non-recevoir à une demande d'envoi de troupes égyptiennes en Irak, selon des diplomates égyptiens. Moubarak a ainsi «fait valoir que son pays ne dépêche jamais de troupes en dehors de ses frontières sauf si elles font partie d'une mission mandatée par l'ONU», ont affirmé ses diplomates. Sur un autre plan, les dirigeants arabes devraient approuver la candidature de Amr Moussa pour un nouveau mandat de cinq ans au poste de secrétaire général de la Ligue arabe, lors de leur réunion au Soudan, a indiqué, jeudi, un haut responsable de l'Organisation. Le secrétaire général adjoint chargé des affaires politiques, Ahmed Ben Helli, a déclaré aux journalistes que le diplomate égyptien avait le soutien de la majorité du monde arabe et que sa candidature serait sûrement approuvée. Point important qui crée des polémiques en coulisses, la reconduite de Amr Moussa peut se faire sans problèmes d'autant que l'Algérie n'a aucun problème particulier avec M.Moussa. Toutefois, l'Algérie milite depuis plusieurs années pour le dépoussiérage de l'institution arabe et sa mise en conformité avec notre temps, excipant de la nécessité d'instaurer l'alternance au niveau du secrétariat général «phagocyté» par les Egyptiens depuis la création de la Ligue, si on excepte la parenthèse tunisienne avec Chadli Klibi. «L'élection de Amr Moussa sera à l'agenda et il bénéficie déjà d'un énorme soutien arabe», précise-t-on dans les coulisses. Le mandat de Moussa, âgé de 73 ans, s'achève fin mai et l'Egypte l'a déjà proposé pour un nouveau mandat. L'ancien ministre des Affaires étrangères a été élu en 2001, et s'il est réélu, il sera encore à la tête de la Ligue en 2011 à l'âge de 78 ans, c'est-à-dire l'âge du président égyptien Moubarak aujourd'hui. Voilà, en grosses lignes, dans quel état d'esprit se tiendra le Sommet de Khartoum, lors duquel les dirigeants arabes auront à aborder un agenda des plus chargés et des enjeux exceptionnels, où la course pour une place de leadership du monde arabe est évidente. D'où la nécessité pour la délégation algérienne d'être vigilante pour que de véritables réformes soient sérieusement envisagées au niveau de l'Organisation arabe.