Les feux ont dévasté des milliers d'hectares et causé des pertes énormes au patrimoine arboricole. Depuis le mois d'août, aucune journée n'est passée sans que des départs de feux ne soient signalés. Les dégâts sont immenses et l'on a même déploré la perte de vies humaines à Azazga, au début du mois écoulé. C'était un mois d'août infernal à Tizi Ouzou. 42 incendies en 24 heures, l'enfer! Les dernières vingt-quatre heures de samedi dernier qui ont précédé les averses tombées avant-hier, étaient un véritable enfer. De la fumée apparaissait derrière tous les monts. Un spectacle apocalyptique. En peu de temps, des dizaines d'incendies sont déclarés. Les services de la Protection civile, aidés de villageois volontaires, faisaient face aux flammes, en mobilisant tous les moyens en leur possession. L'expérience des villageois a grandement contribué à la lutte, de l'avis même du chargé de communication des services de la Protection civile, le capitaine Kamel Bouchakour. Quarante-deux départs de feu dont 17 très importants ont en effet été signalés, en l'espace de deux journées, à Bouzeguène, Aghribs, Akerrou, Iflissen Azazga, Aït Yahia, Aït Agouacha. Selon notre interlocuteur, les dégâts sont considérables. Ses services sont encore en cours d'évaluation des pertes occasionnées par les flammes. L'on signale d'ores et déjà que la commune la plus touchée par les feux de ces dernières 24 heures est incontestablement Akerrou, municipalité située dans la daïra d'Azeffoun. La forêt Harouza victime des prédateurs Ce ne sont pas que les zones rurales qui ont été touchées ces derniers jours. Juste aux portes de la ville de Tizi Ouzou, deux incendies ont dévasté le seul poumon de ce grand centre urbain. La forêt de Harouza qui s'étend de la haute ville jusqu'aux alentours du village Redjaouna, a été réduite en cendres par deux incendies successifs durant seulement 48 heures. 14 hectares de forêt avec un écosystème bien particulier, ont été dévastés par les feux. Tout un rêve qui s'écroule. En effet, cette forêt représentait un rêve pour les Tizi-Ouzéens qui attendaient avec impatience l'ouverture de la forêt récréative de Harouza. Cet espace a été en effet transformé en forêt récréative, au grand bonheur des habitants de cette ville. Mais il n'en sera rien, les prédateurs du foncier sont passés par là. C'est le responsable de la Conservation des forêts lui-même qui a pointé du doigt ces centres d'intérêt qui voulaient accaparer cette forêt, afin d'y implanter des promotions immobilières. Sur la page officielle de ses services, Ould Mohand Youcef annonçait que 20 plaintes ont été déposées. Ce nombre démontre, si besoin est qu'une main criminelle est derrière de nombreux incendies. Lancée en 2013, la forêt récréative de Harouza allait pourtant être ouverte aux familles au courant du mois d'août dernier. Les services concernés s'apprêtaient, en effet, à son inauguration, depuis plusieurs mois. Les installations nécessaires, comme les sanitaires, les bâches à eau, l'électricité, ainsi que les travaux d'assainissement et l'ouverture de plusieurs pistes pour les randonnées, ont été réalisées par un jeune investisseur local. Toutefois, à quelques mois de l'ouverture, la pandémie du Covid-19 est apparue, contraignant les pouvoirs publics à reporter l'inauguration à une date ultérieure. Les deux incendies criminels risquent de remettre aux calendes grecques ce projet novateur, car son ouverture est réellement compromise, avec la forêt complètement dévastée. Avant-hier, la direction de l'environnement a lancé un appel au don d'arbres et autres plants pour régénérer le couvert végétal. Mais cela risque de prendre quelques années. La main criminelle Il n'y a pas que des mains criminelles. Cette année, les opérations d'extinction des incendies ont révélé un nouveau phénomène. Dans tous les villages où les feux sont déclarés, des villageois se portaient volontaires pour aller au front au côté des éléments de la Protection civile. Bien des fois, ces derniers ont entamé l'extinction, avant même l'arrivée des pompiers. Une volonté inébranlable devant les flammes, saluée par les services de la Protection civile, par le biais de son porte-parole, Kamel Bouchakour, qui a soulevé la participation des citoyens au côté des éléments de ses services. Les villageois se portent également volontaires pour faire les vigiles sur les hauteurs des villages afin de guetter la moindre fumée suspecte. Des jeunes veillent jusqu'à des heures tardives de la nuit pour avertir la Protection civile en cas d'apparition de signes d'incendies à l'horizon. Dans d'autres localités, les villageois prennent part aux opérations, dès le départ des feux. Alors que des jeunes volontaires font la garde sur les hauteurs de leurs villages, en scrutant des yeux les forêts environnantes en quête d'un moindre brin de fumée, d'autres sont chargés d'alerter les services de la Protection civile. À l'arrivée des éléments de la Protection civile, des villageois volontaires se proposent de tracer des chemins grâce à leur connaissance du terrain. Dans d'autres localités, les familles se chargent d'offrir de la nourriture et de l'eau fraîche aux pompiers, alors que les hommes partent au front pour affronter les flammes. Dans la foulée, un drame survient. Un homme perd la vie en éteignant le feu. La tragédie est survenue exactement le 5 du mois d'août. Un citoyen du village Hendou, dans la commune d'Azazga, qui était éleveur de son métier. Selon des témoignages de villageois, la victime, âgée d'une quarantaine d'années est morte, asphyxiée par la fumée. Un don de soi rare par ces temps d'égoïsme. Jusqu'à hier, l'enquête n'a pas encore révélé les circonstances exactes de cette mort, car ses proches évoquent également la possibilité d'une autre cause, comme l'arrêt cardiaque. Les incendies volontaires Les services de la Conservation des forêts imputent la responsabilité à certains agriculteurs, dans le départ de nombreux incendies. Toutefois, même si, en partie, les accusations sont justifiées, il n'en demeure pas moins qu'il faudrait d'abord mentionner l'existence de la pratique des incendies volontaires. Pratiqués avec savoir-faire, ces feux, destinés à régénérer le couvert végétal des forêts, ne nuisent pas aux arbres. C'est une pratique qui existe depuis longtemps, dans tous les pays du pourtour méditerranéen. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, les feux volontaires sont maîtrisés par les anciens éleveurs de Mizrana. Quelques vieux habitants de ce massif se souviennent encore de ces feux qui brûlaient pendant des jours, sans qu'un seul arbre ne soit touché. Les vieux parlent de techniques transmises de père en fils afin de brûler les herbes sèches pour permettre aux herbes de pousser, l'hiver suivant. A présent, beaucoup de vieux affirment que la pratique n'a pas disparu, mais elle se fait rarement à cause des décharges sauvages qui prolifèrent dans les forêts. Ces amas d'ordures contiennent des objets et des produits qui peuvent amplifier la dimension des flammes et mettre le feu à toute la forêt.