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Traits et rôles du responsable efficace
Leadership, gouvernance et développement en Algérie
Publié dans L'Expression le 09 - 09 - 2020

La présente contribution jette une lumière sur les caractéristiques propres au leadership efficace ainsi que sur son importance quant à une exécution ou une implémentation réussie des politiques et des stratégies publiques. Elle vise aussi à convaincre nos responsables à s'approprier les bons rôles et traits de caractères et à se départir de leurs bonnes vieilles habitudes de gestion. Le spectre des styles de management s'étend du modèle primitif « de la carotte et du bâton » ou « des récompenses et des punitions » - La « hard power », a des relations sophistiquées plus intelligentes, basées sur les techniques d'influence et de persuasion - La « soft power ».
Brisons nos vieilles habitudes
Aujourd'hui tout porte à croire qu'en Algérie les bureaucrates sont à la manoeuvre pour résister aux réformes initiées par les plus hautes autorités de l'Etat - dont notamment le passage à l'économie digitale ou de l'information. La résistance aux changements de la part de simples citoyens ou commerçants est parfaitement naturelle et compréhensible. Mais venant de hauts responsables de l'administration, elle est inacceptable. C'est vrai, les vieilles habitudes ont un poids immense. Briser ces habitudes exige une volonté de fer. Nous voulons ici volontiers insister sur le fait que la sensibilisation et la formation de nos fonctionnaires aux techniques managériales et de leadership sont une nécessité de l'heure. Ces formations doivent porter sur des compétences critiques telles que l'éthique en gouvernance, la motivation des employés, l'instauration de la confiance, le recrutement, le développement et la fidélisation des talents, le travail collaboratif et d'équipe, le management du changement, etc. Tout au long de l'histoire humaine, les avancées les plus significatives ont impliqué une rupture avec les anciens modes et paradigmes de penser. Dans un pays avec une organisation où règne l'harmonie, tout est fait pour aider les gens à être productifs et efficaces. Et le but de tout acte de management des ressources humaines est de libérer le potentiel et le pouvoir créatif des individus.
La majorité s'accorde à dire que l'absence ou le manque de leadership a un impact néfaste sur les organisations publiques ou autres, qui, de ce fait, stagnent et n'innovent pas. En Algérie, ce problème se manifeste par le gaspillage de nos plus grandes ressources, que sont les ressources humaines. Ainsi, nous n'exagérons aucunement les choses quand nous affirmons que dans notre pays 90% de nos employés n'utilisent que 10% de leurs capacités, créativité, talent, initiative et ingéniosité!
Croyant naïvement ou le faisant pour gagner du temps et se dégager de leurs responsabilités, nombre de nos responsables collent les problèmes actuels du pays avec les préoccupations quotidiennes du citoyen qui vont avec (eau, électricité, transport, liquidités, emploi, logement...) aux textes, alors que c'est surtout un problème de gestion défaillante de leur part. Prenons un exemple concret d'actualité. Argumentant les fortes intempéries qui ont dévasté plusieurs villes de l'Est du pays, ces derniers jours, l'honorable journaliste, Hasna Yacoub, de L'Expression questionne: «Il faut se demander pour quelles raisons toutes les politiques qui ont été pensées afin d'endiguer ce phénomène n'ont pas porté leurs fruits? Une chose est sûre, il est temps de faire le bilan et de tirer les leçons.» Et, pour la tranquilliser, au ministre des Ressources en eau, Arezki Berraki, d'affirmer quelques heures après ce nouveau drame: «La stratégie nationale de lutte contre les inondations est en cours d'actualisation.» Gageons, qu'avec cette culture de management public collant les sempiternels problèmes du pays à de mauvais textes, Dame nature sera encore plus dévastatrice en 2021 envers nos zones d'ombre!
Aussi bien, nos responsables devraient chercher à instaurer, au sein de leurs organisations, une culture caractérisée par la prise calculée de risques, le changement et l'amélioration continus. Ils devraient aussi harmoniser les personnels avec la stratégie afin que ces personnels soient tout aussi engagés qu'eux-mêmes envers cette stratégie. Enfin, ils doivent créer un esprit d'équipe où règne la coopération et la collaboration - tant en intra-département qu'en inter-départements, pour proscrire les attaques et critiques, les jeux politiques ainsi que les agendas secrets. En un mot, ils doivent s'approprier les traits de caractère et les pratiques du bon leader décrits ci-après.
Les traits du leader
Ce qui suit s'inspire des travaux sur le leadership menés par le docteur Daniel Goleman - 1997, 1999 et 2004 (voir documentation).
D'après Goleman les leaders efficaces disposent de traits de caractères spécifiques ou d'une intelligence émotionnelle - «conscience de soi», «maîtrise de soi», «motivation», «empathie» et «aptitude sociale» - très développées. Il demeure entendu que les qualités intellectuelles et techniques gardent leur importance, mais en tant que conditions nécessaires, mais non suffisantes. Par contre, l'intelligence émotionnelle est pour le leadership une condition sine qua non. Elle devient de plus en plus importante pour un leader à mesure qu'il s'élève dans la hiérarchie. Au contraire, les compétences intellectuelles et techniques prennent de moins en moins d'importance pour un leader à mesure qu'il s'élève dans la hiérarchie.
On reconnaît une corrélation directe entre le succès d'une organisation - ou même la prospérité des nations - et le degré d'intelligence émotionnelle de ses dirigeants.
La maîtrise de soi
La conscience de soi: la «conscience de soi» suppose une compréhension juste et profonde de ses sentiments, de ses forces, de ses faiblesses, de ses besoins et de ses motivations. Les leaders possédant cette qualité ne sont ni pessimistes ni optimistes à l'excès. Ils sont plutôt justes et honnêtes envers eux-mêmes. Ils ont une idée précise de l'impact de leurs sentiments sur leur état d'esprit, sur leur comportement et sur leurs relations avec les autres.
La conscience de soi porte sur la compréhension, d'abord de ses propres valeurs, et ensuite de ses objectifs. Un leader possédant une bonne conscience de lui-même prend, dans le cadre de ses activités, des décisions conformes à ses aspirations et cadrant avec ses objectifs à long terme, ce qui a pour conséquence de le motiver lui-même et de motiver ses collaborateurs et employés.
Les leaders conscients d'eux-mêmes sont honnêtes et reconnaissent leurs fautes. Ils connaissent leurs forces et leurs faiblesses et en parlent sans complexe. Ils acceptent les critiques positives et agissent en conséquence. Au contraire, les leaders inefficaces voient ces critiques comme des menaces à leur position et privilèges. Ces leaders se reconnaissent aussi à leur assurance. Ils prennent des risques calculés, et ne cherchent pas à relever un défi qu'ils savent ne pas pouvoir relever. La maîtrise de soi: la «maîtrise de soi» est la deuxième composante de l'intelligence émotionnelle, elle permet à un leader de ne pas être le jouet de ses émotions. Les grands leaders ont, comme tout un chacun, des moments de mauvaise humeur, toutefois ils savent les contrôler de manière constructive.
Dans le monde - et tout particulièrement en Algérie - les changements sont devenues aujourd'hui la norme, l'aptitude de maîtrise de soi permet au leader d'y faire face avec assurance. Les dirigeants qui maîtrisent leurs émotions créent au sein de leur organisation un climat de confiance réduisant les luttes intestines et favorisant l'innovation et la productivité. De plus, la maîtrise de soi est contagieuse.
La maîtrise de soi des responsables n'est pas seulement une vertu ou une force de caractère personnelle, c'est aussi une force au sein des organisations. Souvent les erreurs qui affectent gravement la réputation d'une organisation résultent de comportements impulsifs de la part des hauts dirigeants. Cette vertu se caractérise chez le leader efficace par une forte tendance à la réflexion avant l'action. Elle se manifeste aussi par un haut degré de sang-froid face aux changements. La motivation: la motivation est un trait dominant des leaders performants - la majorité des grand dirigeants possède ce caractère. Ces dirigeants se surpassent et réussissent au-delà des objectifs assignés. Ils recherchent la réussite pour la réussite.
L'aptitude sociale
Alors que la majorité des personnes est motivée, par exemple, par un salaire élevé, la reconnaissance ou un titre important. Les leaders motivés se reconnaissent à leur passion pour le travail, ils sont mus par un désir extraordinaire d'accomplissement. Ils évitent les sentiers battus et recherchent les défis à travers les nouveautés. L'empathie: le leader traite de manière réfléchie les sentiments de ses collaborateurs et employés afin de prendre les meilleures décisions. Il ne s'agit pas, pour lui, de faire plaisir à tous ses employés, sinon l'activité au sein de son organisation devient cauchemardesque ou les meilleures décisions seront bloquées.
L'aptitude sociale: pour le leader, la conscience de soi, la maîtrise de soi et la motivation ont trait à la gestion de soi. Alors que l'empathie et l'aptitude sociale concernent la gestion de ses relations avec les autres.
L'aptitude sociale est au centre des autres compétences - elle fait appel aux autres compétences. Les dirigeants possédant cette aptitude connaissent beaucoup de gens; et ils gardent toujours en réserve l'énergie leur permettant d'établir de nouveaux liens. Ils ne passent pas leur temps à bavarder inutilement avec tout le monde. Mais ils essayent de tisser le maximum de relations, sachant que rien d'important ne se fera quand ils s'isolent.
Les dirigeants aptes socialement se font souvent l'étiquette d'un «non-travailleur», ils donnent l'impression de se consacrer sur l'extérieur à discuter de n'importe quoi avec n'importe qui. En réalité, ils passent consciemment beaucoup de temps à élargir leur cercle de relations.
Les pratiques du leader
Les idées qui suivent s'inspirent des travaux de James
M. Kouzes and Barry Z. Posner.
Le leadership efficace n'est pas du tout une question de position ou de poste que l'on occupe - Ce n'est pas ce que l'on est, mais c'est plutôt ce que l'on fait. Il est lié à nos faits et gestes quotidiens. Aussi, les responsables doivent pour réaliser des choses extraordinaires s'engager dans les cinq pratiques ci-après:
- montrer le chemin: le bon responsable est un modèle des comportements qu'il attend des autres - il ne demande jamais aux autres de faire quelque chose que lui-même répugne à faire. Il a des valeurs et sait les vendre par la communication et par l'alignement de ses actions avec ses valeurs ou ses dires. Ici sa devise est: «Suivez-moi!»;
-inspirer une vision: le leader identifie une vision ou une nouvelle opportunité pour son organisation. La vision ou le rêve est la force qui invente le futur. Il la partage en donnant des précisions dans le but d'inspirer ses équipes. Il a une vision optimiste et enthousiaste de l'avenir et il la partage avec toutes les parties prenantes. Ici sa devise est: «Venez avec moi!».
-défier le statu quo: le leader est un pionnier qui a la capacité de remettre en question le statu quo et de proposer des défis. Il accepte volontiers les échecs et ose prendre des risques pour tester les opportunités. Mais souvent le leader n'est pas à l'origine des nouvelles idées et elles sont plutôt le fait des autres - citoyens ou employés du front par exemple. Sa contribution porte plutôt sur la reconnaissance et le soutien à ces nouvelles idées.
Ici sa devise est: «et si on essayait ça?»;
-encourager les autres à agir: le leader efficace a la capacité de faire agir les autres en les rendant puissants, en leur faisant confiance et en les encourageant. Un collaborateur qui se sent faible, dépendant et aliéné ne donne jamais le maximum de lui-même. Le leader a des compétences en communication et il est emphatique - des préalables à l'instauration d'une relation de confiance avec ses collaborateurs ainsi qu'à leur autonomie.
Ici sa devise est: «Qu'en pensez-vous?»;
-féliciter lesaccomplissem-ents: le leader a la capacité de reconnaître les bons travaux réalisés par ses collaborateurs et de les mettre en valeur. Il félicite sans compter et organise des cérémonies célébrant les éussites individuelles et d'équipes. Ici sa devise est: «bravo, vous pouvez être fiers de vous!».
Kamel Garoui
*Ancien cadre du ministère de la Défense nationale et de l'ex-ministre de la Prospective et des Statistiques. Actuellement consultant-formateur en management.


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