Aujourd'hui on reconnaît facilement la force du leadership dans le management. Mais les seules formations ne suffisent pas pour pouvoir exercer un leadership efficace. Les managers qui veulent développer leurs capacités de leadership devront, en plus, changer leur façon de penser en adoptant une attitude réflexive sur leurs actions et comportements. Le leadership est l'une des aptitudes clés parmi ce que l'on appelle les soft skills dans le management. C'est donc devenu un thème majeur des séminaires et formations spécialisées suivies aujourd'hui par les managers. Or on sait que l'impact des formations managériales est souvent loin des attentes des entreprises. C'est encore plus vrai pour les formations en leadership ; et cela, parce que le développement de nos capacités de leadership ne passe pas par le faire mais par le changement dans notre façon d'être. Il ne s'agit pas seulement de mettre en œuvre certaines techniques particulières ou d'adopter des comportements spécifiques, mais surtout de modifier notre façon de penser notre comportement et nos relations aux autres. Pour reprendre l'expression anglo-saxonne, nous devons changer notre mindset. Mais changer notre mindset n'est pas chose facile. Dans un ouvrage paru en 2014 - Centered Leadership : Leading with Purpose, Clarity and Impact 1 - Joanna Barsh et Johanne Lavoie, deux consultants/chercheurs au cabinet-conseil McKinsey, présentent une démarche intéressante qui peut nous aider à ancrer les principes de leadership dans nos pratiques managériales. Pour cela, les auteures nous proposent, sous forme d'exercices pratiques, cinq clés forgées à la faveur de leurs interventions auprès de milliers de managers aux quatre coins du monde. Se focaliser sur ses propres forces Dans leur recherche de la performance, la plupart des managers ont tendance à se focaliser davantage sur leurs faiblesses que sur leurs forces. J. Barch et J. Lavoie nous incitent au contraire à nous concentrer plus sur nos forces. Parce que le fait de compter sur nos propres forces génère en nous une énergie et des émotions positives. Bien sûr, il faut que chacun cherche à combler ses insuffisances, mais se focaliser sur ses points forts libère en nous – et chez nos collaborateurs – une puissante énergie pour fouetter la créativité et le besoin de changement. Prendre du recul Tous les managers font face quotidiennement à des situations de stress, de conflits et de challenges difficiles à gérer. Lorsque ces situations se traduisent par des menaces pour le manager, celui-ci a tendance à succomber au syndrome de l'"amygdala hijack" 2. En d'autres termes, le cerveau limbique du manager prend le contrôle de son néocortex, l'amenant à paniquer, provoquant des réactions émotionnelles irrationnelles et destructives. Ce qu'il faut faire c'est de prendre suffisamment de recul en développant la conscience de soi. Ce qui nous permet d'examiner la situation de façon plus rationnelle et réagir de manière plus posée. Forger la confiance Réussir des challenges importants exige du manager de compter sur des collaborateurs qui non seulement partagent avec lui les mêmes objectifs mais, surtout, ont pleine confiance en lui. Cela passe par la connaissance des valeurs de nos collaborateurs et la reconnaissance de leurs profils distinctifs. On y arrive en montrant dans notre comportement trois exigences : respect des autres, authenticité (ne pas tricher avec eux) et capacité d'empathie. Car ce ne sont pas nos intentions mais notre comportement au quotidien qui crée la confiance. Lorsque nous serons capables de changer notre mindset de la croyance selon laquelle "je n'ai confiance qu'en quelques rares personnes" vers la conviction que "je peux inspirer la confiance à tout le monde", alors nous pourrons compter sur davantage de collaborateurs prêts à nous suivre. Privilégier l'espoir sur la peur La peur est un carburant utile dans le management. En mobilisant l'adrénaline, la peur nous permet de faire des contributions exceptionnelles. Mais la peur peut aussi avoir des effets paralysants et se propager par contagion dans toute l'organisation. Pour la contrebalancer, on a besoin d'une dose suffisante d'espoir. On y arrive, selon nos deux auteures, par l'art de questionnement. En posant des questions du type : "Quel est le problème ?" "Quelles en sont les causes ?", "Qu'avez-vous essayé et n'a pas marché ?" "Pourquoi n'avez-vous pas été en mesure de résoudre le problème ?", nous pourrons faire disparaître la peur chez nos collaborateurs et les mettre en situation de mobiliser leurs meilleures ressources. Réserver du temps pour soi Parmi les techniques de gestion efficace du temps, on recommande aux managers de prendre quelques dizaines de minutes par jour pour les consacrer à soi. J. Barch et J. Lavoie recommande d'utiliser cette période – dite "heure de tranquillité" – pour recharger nos quatre batteries : physiques, mentales, émotionnelles et spirituelles. Il a été prouvé que cette période intime est souvent suivie d'un surcroît de performance ; alors que les managers qui s'échinent à la tâche – les workaholics – produisent souvent des performances faibles et sont candidats potentiels au "burnout". L'approche proposée par nos deux auteurs ne devrait pas surprendre les managers algériens. Dans notre tradition ne dit-on pas que "le musulman commence par lui-même ?" Ce principe, compris dans son acception correcte, nous incite en effet à nous améliorer nous-mêmes avant de vouloir améliorer les autres et pouvoir changer le monde. S. S. 1- Centered Leadership : Leading with Purpose, Clarity and Impact (Crown Business, March 2014). 2- Concept forgé en 1996 par Daniel Goleman dans son célèbre ouvrage Emotional Intelligence : Why It Can Matter More Than IQ.