Les avocats constituent la conscience de la justice. Le président est apparu dans une photo de famille mémorable. Flanqué d'un Ali Haroun tout sourire et d'un Vergès conciliant. Les deux hommes personnifient à eux seuls les antagonismes qui ont caractérisé la dernière décennie. L'un est «janviériste» devant l'Eternel, pendant que l'autre s'en est lavé les mains lorsqu'il avait adressé la «Lettre ouverte à mes amis algériens qui sont devenus tortionnaires» au tout début de la crise qui s'est soldée par 200.000 morts. Bouteflika a, quelques minutes auparavant, déclaré: «Nos approches, démarches et décisions ne tendent nullement à privilégier une pensée, une catégorie ou une partie donnée au détriment d'une autre, mais notre seul souci est de servir l'Algérie et son peuple, dans le cadre d'un projet de société où sera bannie toute forme de fléau et d'extrémisme. Une société qui fait preuve de cohésion civilisationnelle et d'entraide sociale, qui s'arme d'une foi inébranlable et de développement scientifique et intellectuel avancé, une société qui appelle à la paix et la réconciliation, qui oeuvre à promouvoir la culture de la fraternité entre ses citoyens, qui concilie authenticité et modernité, science et foi.». Convaincu que le pays a besoin de paix et de stabilité pour pouvoir engager sans délai le programme de développement économique, le président Bouteflika s'est donné pour mission principale - depuis son avènement en 1999 -de parvenir à réduire l'écart qui sépare les deux tranchées. L'invitation de Vergès à une cérémonie officielle de cette ampleur et la présence de Haroun, sont un acte symbolique. Parce que Vergès est une voix écoutée sur l'arène internationale. Les organisateurs ont évalué que le pays pourrait récolter de cette prouesse. Or il est admis que les retombées médiatiques externes sur les textes d'ordonnance d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation ne sont pas du goût des autorités algériennes. Retombées qui ont contraint Ouyahia à introduire sciemment l'affaire de Had Chekala (Relizane) dans son allocution de mardi dernier devant la presse alors que personne ne l'a évoquée. C'est dire l'utilité de cette photo de famille. «Aujourd'hui, au nom de l'Algérie et au nom des victimes de la tragédie nationale, nous vous sollicitons pour apporter vos contributions à la concrétisation de cette revendication du peuple pour une relance effective qui permettra à l'ensemble des citoyens d'apporter leur soutien à l'édification d'une Algérie stable et prospère», ajoute Bouteflika à l'intention des avocats. «Vous êtes appelés, élite du pays, à éclairer les membres de la société et mettre en exergue l'importance des mesures devant être prises pour répandre la culture de réconciliation à travers l'explication, autant que faire se peut, des objectifs et dimensions de cette Charte et des retombées positives de leur application sur la vie du citoyen». Il leur indique que c'est «la justice, en sa qualité de protectrice de la société et son rempart dans les épreuves, qu'est revenue la noble mission de veiller à l'application de la majeure partie des textes et dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale avec l'esprit de responsabilité et la célérité requise». Les avocats constituent la conscience de la justice. Car lorsque les magistrats se lassent, il y a toujours une voix qui s'élève pour le rappel à l'ordre. C'est pourquoi le premier magistrat considère que grâce à «la bienveillance» des avocats et aux efforts de toutes les franges de la société, notamment les intellectuels, «l'Algérie transcendera sa crise et verra l'instauration d'un climat propice au développement global tant souhaité». Bouteflika s'adresse enfin aux citoyens, dans leur ensemble, en leur expliquant que «les textes de cette Charte visent à régler la situation des personnes qui ont choisi la paix, qui ont volontairement mis fin aux actes de violence et se sont rendues aux autorités compétentes ainsi que des personnes condamnées définitivement ou qui font encore l'objet de poursuites judiciaires, pour avoir perpétré des actes terroristes ou de sabotage. Ces textes visent également à soutenir les familles des victimes et des disparus, en garantissant leur prise en charge matérielle et morale, par devoir d'entraide et de solidarité entre les citoyens et en resserrant leurs rangs pour faire face aux différentes épreuves, car procédant d'un haut sens du civisme et des valeurs humaines qui prônent l'intérêt suprême de la communauté et placent l'intérêt de la nation au dessus de toute autre considération». Il peut dès lors prétendre à un répit. L'occasion lui a été donnée pour prouver d'une part qu'il est revenu aux affaires, après sa longue maladie, et d'autre part qu'il n'a pas dévié de sa trajectoire initiale, même si - depuis le 29 décembre - beaucoup de questions ont accompagné le long processus de réconciliation nationale.