La France a vécu une nouvelle journée de protesta contre le CPE induisant incidents et violences à Paris notamment. Le monde du travail, la jeunesse, les étudiants et les lycéens, solidaires, ont poursuivi jeudi leur mobilisation contre le Contrat première embauche, CPE, mettant son initiateur, le Premier ministre, Dominique de Villepin, sur la défensive. De fait, quelque peu isolé, y compris parmi ses amis politiques, M.de Villepin a dû jeter hier du lest en invitant à Matignon -siège du Premier ministère - cinq syndicats à une rencontre «sur un ordre du jour nullement limitatif» et «le plus rapidement possible». Cette rencontre devait avoir lieu hier, en fin d'après-midi, mais d'ores et déjà les syndicats posent comme préalable à tout dialogue l'abandon par M.de Villepin, de cette loi qui suscite la colère des travailleurs et de la jeunesse français lesquels se sentent plus que jamais fragilisés dans une France devenue incapable d'assurer le minimum à sa génération montante. Les organisations syndicales ont accepté de faire le déplacement à Matignon, avertissant toutefois qu'elles font toujours du «retrait du CPE» un préalable à «tout dialogue ou toute négociation». Le secrétaire général de la CGT (la principale centrale française des travailleurs), Bernard Thibault, a ainsi réitéré hier devant la presse que le «retrait du CPE» restait le préalable sine qua non, annonçant par ailleurs une réunion élargie aux syndicats non invités -dont ceux des étudiants et des lycéens - indiquant: «Nous allons vérifier que nous sommes tous d'accord pour porter le même message au Premier ministre». Les syndicats auront ainsi un seul leitmotiv face à M.de Villepin, le retrait, et uniquement le retrait de la loi controversée. De fait, les manifestations qui se sont poursuivies pour le troisième jeudi consécutif à travers la France font craindre, devant une mobilisation qui ne se dément pas - qu'elles ne fassent tache d'huile et réveillent les banlieues à peine revenues des émeutes de novembre dernier. Pour d'aucuns les choses sont allées trop loin et menacent la stabilité politique du pays. En effet, commencée avec les étudiants, la protesta qui s'est étendue aux lycéens menace sérieusement d'embraser tout le pays. Ce qui amena le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, rival potentiel de Dominique de Villepin à la succession de Jacques Chirac, de tirer la sonnette d'alarme, estimant que les désordres actuels menacent de rallumer la colère des banlieues lésées, estimant qu'il y a «un danger que cette effervescence lycéenne et étudiante réveille l'agitation dans les banlieues qui restent toujours extrêmement tendues». Aussi, l'invitation du Premier ministre aux syndicats, afin de faire le tour de la question, vient-elle en son temps ou un peu tard, M.de Villepin s'étant montré, selon ces critiques, cassant dans une affaire qui exigeait beaucoup de doigté. Des sources proches de Matignon indiquaient hier que la rencontre devait être une «première prise de contact» de laquelle il ne faut sans doute pas trop attendre, d'autant plus que les syndicats préparent toujours la grande manifestation du 28 mars et maintiennent le mot d'ordre d'arrêt de travail. Jeudi, les syndicats ont fait une nouvelle démonstration de force réunissant près d'un demi-million de personnes à travers la France qui appelaient au retrait pur et simple du contrat première embauche qui, décidément, tout en partageant la France, met le gouvernement, et singulièrement les potentiels candidats de la droite à la présidentielle de 2007, en porte-à-faux. Les manifestations qui se sont déroulées jeudi dans toute la France ont dégénéré à Paris, sur la Place des Invalides (non loin de Matignon et du Quai d'Orsay (Affaires étrangères) quand des casseurs s'en sont pris aux véhicules, plusieurs ayant été brûlés, et aux devantures des magasins. Ces violences ont fait une victime à Paris, annonçait-on hier de source policière dans la capitale française. En fait, estiment des sociologues et universitaires français, le CPE, organisé par le Premier ministre annonce pour la France une «précarisation généralisée» des jeunes, dans un premier temps, de l'ensemble des travailleurs, sans doute à terme. Comme quoi travailler en France risque de devenir incertain car le droit au travail n'étant plus garanti, le travail temporaire devenant la norme et celui permanent l'exception, ce qui entre, en fait, dans la logique du capital et de la privatisation, telle que pratiquée outre-Atlantique et préconisée par le patronat français. Ce qui risque à l'évidence d'entraîner le clash entre les autorités publiques et la société laborieuse. Un tournant gros de menace pour la stabilité sociale en France dont Dominique de Villepin ne semble pas en avoir mesuré toutes les incidences dans un pays déjà fragile qui compte le taux de chômage le plus élevé dans l'Europe des 25.