Le projet censé être une issue pour les jeunes accentue davantage le malaise social d'une grande partie de la jeunesse française. La célèbre université de la Sorbonne, symbole des hautes études françaises, à nouveau le fer de lance de la contestation estudiantine, a été évacuée hier par les forces de l'ordre après trois journées d'occupation par des étudiants qui manifestaient leur colère et réclamaient le retrait du contrat de première embauche, CPE, sur lequel le gouvernement de Dominique de Villepin fonde ses espoirs pour réduire le chômage qui touche près de 25% de la jeunesse française. De fait, depuis la fameuse révolte de mai 1968 c'est la première fois que l'université française bouge à nouveau en prenant la tête de la contestation contre un projet de loi, énième tentative des pouvoirs publics français pour contenir le cycle du chômage et censée être une issue pour une jeunesse française touchée de plein fouet par la crise de l'emploi et du travail. Outre la Sorbonne à Paris, une quarantaine d'universités françaises, selon une estimation du ministère français de l'Education nationale, étaient paralysées ces derniers jours par les mouvements de protestation diligentés par les syndicats et les mouvements des étudiants contre le contrat de travail réservé aux jeunes. De fait, ces derniers ont vite fait de détourner le sigle CPE (Contrat première embauche) en celui de Contrainte, Précarité, Exclusion. C'est dire l'accueil qui a été fait par les jeunes à un projet dont ils n'attendent pas grand bien d'autant plus qu'ils sont les principales victimes de la crise de l'emploi dont ils en ressentent directement les effets. Selon les statistiques, le chômage touche près de 23% des moins de 25 ans sur le marché du travail en France, et jusqu'à 40% dans certaines zones défavorisées comme les banlieues où ont eu lieu les émeutes en novembre. Le taux global de chômage pour la France est estimé à près de 9,6%, l'un des plus importants de l'Europe des 25. Défendant la politique du gouvernement, son porte-parole, Jean-François Copé, a expliqué qu'il faut «explorer des voies nouvelles qui jusqu'à présent n'ont jamais été utilisées en France», en insistant sur le fait que 23% des moins de 25 ans sur le marché du travail étaient au chômage (7 à 8 points de plus que la moyenne de la zone euro). Toutefois, les opposants au projet accusent le contrat première embauche de favoriser, au contraire, le déséquilibre dans le travail et met les nouveaux travailleurs à la merci des employeurs et des patrons, du fait que le CPE stipule que le jeune embauché sera considéré comme stagiaire durant une période de deux ans durant laquelle il peut être licencié sans motif et sans préavis selon les besoins de l'entreprise qui l'emploie. Le CPE est ainsi, accusent les syndicats, en contradiction avec les dispositions générales du code du travail. Derrière cette affaire de contrat de travail et de réduction du chômage, se profile la lutte que se livrent les deux présidentiables déclarés de la droite française, le Premier ministre Dominique de Villepin, qui joue gros dans ce bras de fer avec la jeunesse -au nom de la lutte contre le chômage- et le très libéral ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui ne peut que se féliciter des difficultés auxquelles est confronté son potentiel adversaire à la présidentielle de 2007. De fait, M de Villepin - dauphin supposé du président Chirac- qui caracolait ces dernières semaines en tête des sondages a connu une importante chute de popularité conséquence directe d'un projet mal compris par ceux auxquels il était destiné. Toutefois, malgré ce contre-temps Dominique de Villepin affichait sa détermination d'aller au bout de son projet, en dépit du rejet du CPE par 60% des Français selon les sondages. M.de Villepin affirmait, dimanche dernier, face à la levée de boucliers «Il est temps de faire des choix et de les assumer». Ce bras de fer avec la jeunesse française, qui représente la relève du pays, mal perçu par les jeunes, est par ailleurs mal venu pour le chef de gouvernement français à moins d'une année de l'élection présidentielle de 2007. Après la mobilisation des travailleurs et les manifestations de ces derniers jours -ils étaient plus de 200.000 à Paris, 100.000 à Marseille, des dizaines de milliers dans les autres villes françaises de l'intérieur- l'épreuve qu'eut à passer le Premier ministre face à la population, a été peu probante et lui complique les choses dans sa course à l'Elysée. De fait, le projet de contrat première embauche a quelque peu détérioré l'image sociale et consensuelle que Dominique de Villepin s'est faite par rapport à son concurrent, Nicolas Sarkozy, le libéral chef de l'UMP, connoté à droite de l'échiquier majoritaire français. M.de Villepin qui ambitionne de succéder à Jacques Chirac à l'Elysée a joué et semble avoir perdu (?) un important pari -beaucoup d'hommes politiques français ont vu leurs ambitions brisées dès lors qu'ils se sont attaqués à des réformes touchant aux jeunes- lui qui cherchait à asseoir une stature d'homme d'Etat et de présidentiable. De fait, le Premier ministre français a encore des jours difficiles devant lui, les syndicats et les mouvements des étudiants se promettant de remettre ça le 18 mars prochain par l'organisation de nouvelles manifestations contre l'application du contrat première embauche. Le projet de CPE a été, rappelle-t-on, entériné jeudi dernier par le Parlement français.