S'il y a bien un artiste algérien, kabyle en particulier, qui a réussi magistralement à concilier entre deux genres musicaux complètement incompatibles (le chaâbi et le moderne), c'est bel et bien Takfarinas. Quand il est dans le registre de la chanson moderne et rythmée, Takfarinas est un as, et lorsqu'il voyage dans le style populaire chaâbi, il est un virtuose. Ils sont vraiment rares les artistes qui réussissent cet exploit car soit on est un chanteur du chaâbi comme Youcef Abdjaoui, Matoub Lounès, Lounès Kheloui entre autres ou bien on est sur l'autre rive de la musique, celle que Takfarinas maîtrise à la perfection: le moderne. Ce dernier est incontestablement l'un des meilleurs artistes de tous les temps que compte l'Algérie. Doté d'une très belle voix qu'il manie comme il veut, Takfarinas a eu le génie de composer des musiques qui ont permis à la chanson kabyle d'être enrichie de fort belle manière. Le triomphe de Wa ytehlha Tout le monde se souvient des mythiques et magiques chansons Wa ytehlha et Arrach bdhen ad zewdjen avec lesquels Takfarinas est sorti de l'anonymat de manière triomphale et définitive. C'était en 1986, mais bien avant cela, Takfarinas avait déjà fait du chemin, notamment dès le premier acte de son parcours en partageant le studio et la scène avec Boudjemaâ Agraw. Originaire de la commune de Yakouren près d'Azazga (dans la wilaya de Tizi Ouzou), Takfarinas est né et a vécu dans la capitale Alger, plus exactement à Tixeraine. C'est le 25 février 1958 qu'il naquit à Tixeraine où il apprit naturellement la langue kabyle dès son enfance et le jour où il décida d'entamer sa carrière d'artiste, il opta sans hésitation pour le kabyle et pour un nom d'artiste qui devait refléter sa fibre militante en faveur de son identité amazighe qui était loin de jouir de la reconnaissance politique et constitutionnelle qui est la sienne aujourd'hui. Takfarinas a même osé proclamer son propre style musical qu'il a appelé le «Yal». Un jour qu'un étranger l'interroge sur le nom du style musical qu'il chantait, Takfarinas est resté stupéfait et ne savait quoi répondre car il ne pouvait pas dire «chanson kabyle», kabyle n'étant pas un style musical, mais une langue. C'est alors qu'il décida de dénicher un nom approprié après avoir consulté plusieurs célébrités kabyles. Une famille d'artistes Son dévolu fut jeté sur Yal-musique car dans une bonne partie des chansons kabyles, les refrains comportaient souvent cette syllabe. Takfarinas a eu la chance d'appartenir à une famille d'artistes. C'est dès l'enfance qu'il commença à chanter. Ses idoles, quand il était enfant, étaient le cardinal El Anka et le chanteur de l'exil El Hasnaoui, mais aussi le maitre de la chanson kabyle Slimane Azem. Il passa toute son enfance et adolescence à apprendre et à se perfectionner. Puis le jour où il décida de passer à l'acte, Takfarinas a séduit tout le monde. Son passage à l'Olympia de Paris pour la première fois, lors d'un même spectacle que Idir, en compagnie de Boudjemaâ Agraw, a été fabuleux. Le public a été enchanté et agréablement surpris de découvrir un tel artiste. Cette production sur scène avec Boudjemaâ Samaouni encouragea les deux hommes à lancer le fameux groupe Agraw. Par la suite, Takfarinas vola de ses propres ailes et en 1986, il se révéla au grand jour grâce à son album explosif Wa y telha mais aussi Arrach bedhen ad zewdjen». Par la suite, tout nouvel album de Takfarinas a été un grand événement artistique. Ses chansons ont connu des succès tonitruants comme Zaâma Zaâma, Tebeg riri, Inid ih, Irgazen, Khas yebwa remman, Torrero... Takfarinas a brillé pendant des décennies sur la scène artistique. Il est toujours aussi performant et, sans doute, il le restera pour longtemps. Quant à ses chansons, elles égayeront les foyers et les fêtes pour toujours.