L'arsenal militaire algérien met dans la gêne l'UE. Dans la région du Maghreb, aucun autre pays ne possède une aviation susceptible de rivaliser avec les Mig-29 et les Soukhoï-30 de l'armée algérienne. Des longues discussions avec des diplomates européens en poste à Alger, nous avons décelé une véritable appréhension des capitales occidentales concernant les derniers développements survenus en Algérie. Le gros contrat d'armement contracté avec Moscou, la libération des détenus islamistes dans le cadre de la loi portant réconciliation nationale, les relations privilégiées avec l'Otan et le remboursement «cash» de la dette algérienne envers le «Club de Paris» ont été les principaux points débattus et qui ont été autant d'axes de fixation dans les discussions. En fait, si on considère tous ces «soucis» réunis, on constate que tous sans exception, vont dans un sens favorable à l'Algérie. Sauf que la lecture européenne est la suivante : concernant la signature d'un important accord d'équipement militaire entre la Russie et l'Algérie, les Européens estiment qu'il remet en question l'équilibre stratégique au Maghreb. Plusieurs spécialistes de la région cités par le journal Le Monde il y a quelques jours, font la même lecture. Contracté le 10 mars, lors de la visite de Vladimir Poutine à Alger, cet accord a surpris, tant par son montant financier - 7,5 milliards de dollars- que par la liste des matériels militaires visés, qui représentent le meilleur de la technologie russe. Moscou doit fournir quarante avions de combat Mig-29 et vingt-huit chasseurs Soukhoï-30, ainsi que seize avions d'entraînement Yak-130, une quarantaine de blindés, huit systèmes de missiles sol-air S-300 Pmu, et un nombre non précisé de matériels relevant de la «technologie navale et terrestre». Dans la région du Maghreb, aucun autre pays ne possède une aviation susceptible de rivaliser avec des Mig-29 et des Soukhoï-30. C'est en fait le principal point de fixation, et tous les autres viennent en seconde position. La libération des islamistes est mise sur le compte d'une paix qui tarde à se dessiner. Le remboursement cash de la dette sur celui d'une embellie financière. Et les relations privilégiées avec l'Otan sur celles encore plus privilégiées actuellement avec Washington. L'accord gazier contracté avec la Russie est d'autant plus évoqué qu'il ressemble à un lobby énergétique qui peut mettre sous pression la communauté européenne dès lors que les divergences montent à la surface. Cependant, pour le moment, il ne s'agit pas d'une crainte affichée, les accords gaziers d'achat s'étalant encore sur une assez longue période. Qui fait donc courir les pays de l'Union européenne, avides d'en savoir plus sur les dispositions algériennes du moment? La réponse peut se trouver du côté du report sine die de la réunion qui devait se tenir entre la partie algérienne et la partie européenne. Officiellement, ce report de la première rencontre entre les deux partenaires a été décidé à la demande de l'Algérie. L'Algérie a motivé sa demande par le fait que les travaux de préparation de ce rendez-vous, pourtant important, n'ont pas été menés par la partie européenne. Ce qui est déjà un indice de taille. Aussi, on a estimé que la première session du Conseil d'association, un instrument prévu par l'Accord d'association, n'a pas été prise avec la rigueur exigée dans pareil cas par les Européens, du fait que nombre de documents de travail n'étaient pas encore finalisés. Au ministère algérien des Affaires étrangères, on avait considéré qu'«à quelques jours de cette réunion, le document n'était pas encore prêt». Le document en question est le règlement intérieur du Conseil. Mais d'autres points n'ont pas été préparés avec assez de rapidité, puisque l'ordre du jour devait également concerner ces points qui , selon la partie algérienne, n'ont pas été pris en charge. Il s'agit principalement du protocole additionnel à l'Accord d'association avec l'UE qui, après son élargissement à 25 membres, devait prendre en charge les 10 nouveaux pays membres dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Accord d'association avec l'Union européenne. Il s'agit encore de l'installation des comités sectoriels qui doivent se pencher sur des questions techniques touchant aux divers secteurs d'activité, notamment économique. Le dernier point cité par des officiels algériens, et qui est le plus instructif sur l'état d'esprit qui règne entre l'Algérie et son partenaire dit stratégique, l'Union européenne, concerne la composition de ce Conseil. La partie algérienne estime qu'«à quelques jours de la réunion, nous n'avons aucun nom.» Les noms sont ceux des ministres des Affaires étrangères des 25 pays membres de l'UE devant siéger au sein du Conseil d'association. Seul le nom de Benita Ferrero-Waldner, la Commissaire européenne pour les relations extérieures, était connu. Solana, chargé des questions de sécurité, était indécis, «hésitant», selon des sources. Les choses en étant arrivées là, il était légitime de se poser des questions à longueur de lignes. Qu'est- ce à dire, toutes ces cachotteries? Qu'est-ce qui gêne l'Europe dans les derniers développements politiques survenus en Algérie? A quoi rime ce report qui pointe comme une grosse suspicion qui plane sur la tête des deux partenaires? L 'accord en question est-il au point mort, tant que le Conseil d'association n'est pas fonctionnel? Les questions sont d'autant plus justifiées que la réussite du rendez-vous avait été perçue par l'Algérie comme «un nouveau départ de notre association avec l'Union européenne». L'Algérie a demandé que la Commission européenne, à qui elle reproche un manquement flagrant à ses engagements, «reprogramme» la réunion avant la fin du mois de juin prochain, et ce, durant la présidence autrichienne. Pour apporter plus d'apaisement dans les esprits, Benita Ferrero- Waldner a dit: «Je partage avec vous le souci que cet événement important dans la relance de nos relations bilatérales reçoive toute l'attention et le soin nécessaire quant à sa préparation». Fin du premier acte.