Depuis l'incident d'audience du 24 septembre dernier, qui s'est produit entre Me Selini et le juge dans le procès de l'affaire Sovac, beaucoup d'eau a coulé sous le pont. En effet, après une grève nationale de deux jours et le gel des activités judiciaires dans la capitale pendant une semaine, les négociations entre avocats et magistrats, ont porté leurs fruits puisque la hache de guerre a vite fait d'être enterrée et le procès clôturé et mis en délibération avant la fin des plaidoiries de la défense, a finalement repris là où il s'était arrêté. Les avocats de Mourad Oulmi, le patron de Sovac et ceux d'Ahmed Ouyahia, ont défilé à la barre pour plaider la cause de leurs clients. Le premier, Me Bouroucha, avocat de Mourad Oulmi, est revenu sur l'amalgame qu'il y a dans cette affaire, laquelle a été soulevée à l'entame du procès qui s'ouvre, obligatoirement avec la bataille des procédures. Il s'agit des décisions techniques dont aurait bénéficié Mourad Oulmi dans le cadre du montage automobile. Des décisions qui ne seraient pas celles du principal accusé, mais appartiendraient à un autre concessionnaire automobile. C'est ce que n'ont cessé de répéter le patron de Sovac et sa défense lors du procès en première instance. Lors de ce procès en appel, Me Selini, l'un des avocats de Mourad Oulmi, avait jeté un pavé dans la mare en demandant au juge d'engager une procédure en faux en écriture contre le jugement prononcé en première instance. La raison est que son client a été condamné sur la base de décisions techniques qui n'existent ni dans le dossier d'accusation ni dans la liste des pièces à conviction conservée au greffe du tribunal. Oulmi victime de la concurrence entre Allemands et Français En défilant à la barre, les avocats ont commencé par déplorer le fait de considérer comme «voleur» toute personne ayant réussi ses projets et dire de son succès qu'il s'agit d'un «luxe insultant». Me Bouroucha a insisté sur le fait que son client a obtenu son agrément en suivant la voie légale malgré les multiples obstacles créés par Abdeslam Bouchouareb, l'ex- ministre de l'Industrie (inculpé, en fuite). Il en voudra pour preuve le fait que Mourad Oulmi a été parmi les premiers à avoir fait les démarches pour l'obtention d'un agrément, mais a été le dernier à l'obtenir et cela n'a été possible qu'après la nomination de Youcef Yousfi à la tête du ministère de l'Industrie. Ce dernier et après avoir pris connaissance du cas Oulmi a saisi le Premier ministre de l'époque, Ahmed Ouyahia, pour une programmation de son dossier devant le Conseil national des investissements (CNI). «Aucune faveur n'a été accordée à mon client puisqu'il répondait à toutes les conditions», a expliqué la défense. En prenant la parole, Me Zerak Zakaria a rappelé que l'activité de montage automobile n'a pas saigné le Trésor public mais lui a plutôt fait économiser quelque 3 milliards de dollars. Me Hadj Nacer, lui, va choisir une stratégie de défense tout à fait inattendue. «Mon client est victime de la rude concurrence entre Allemands et Français, deux géants de l'automobile qui cherchent à avoir la mainmise sur le marché en Algérie mais aussi en Afrique.» Pour détruire la charge de blanchiment d'argent dont est poursuivi Mourad Oulmi, la défense n'a pas manqué de rappeler les biens en Algérie et à l'étranger du prévenu, démontrant que toutes les acquisitions ont été faites bien avant les faits et ne peuvent nullement donc être considérées comme produits du délit. L'unique acquisition en 2019, celle d'un terrain, est justifiée par un crédit bancaire. La défense de Oulmi a fini par plaider l'innocence de son client affirmant que son dossier était «fondé sur des faits erronés et dépourvus de preuves». La défense d'Ahmed Ouyahia a été brève mais percutante. Elle a évoqué le texte de loi qui prévoit qu'un inculpé ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits, rappelant à ce propos que l'ex-Premier ministre a déjà été jugé pour les mêmes griefs dans les affaires des au-tres concessionnaires automobiles. Elle a aussi insisté sur les dates qui établissent clairement que son client n'occupait pas le poste de Premier ministre au moment de l'octroi présumé de privilèges à la société Sovac. La défense d'Ouyahia plaide l'innocence En ce qui concerne le conflit d'intérêts, la charge n'est pas fondée selon les avocats d'Ahmed Ouyahia, qui rappellent que leur client n'a aucun proche parmi les concessionnaires automobiles. Les avocats ont fini par plaider l'innocence d'Ahmed Ouyahia. Le magistrat a donné la parole aux prévenus pour un dernier mot et tous ont crié leur innocence et affirmé leur confiance dans la clairvoyance du juge et la justice. Il a annoncé le verdict pour ce mercredi 21 octobre. Pour rappel, le procès qui s'est ouvert le 23 septembre dernier a été suspendu à son troisième jour après l'incident d'audience et la grève des avocats. Depuis, le magistrat avait annoncé une première fois que le verdict sera rendu le 30 septembre, puis il a prononcé le report pour le 10 octobre dernier et un second renvoi pour la journée d'hier. Au deuxième jour, le procureur général près la cour d'Alger avait requis une peine de 15 ans de prison ferme contre l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia et 10 ans de prison ferme contre l'ex-ministre de l'Industrie Youcef Yousfi, assortie d'une amende de 2 millions de DA chacun. Une peine de 15 et 12 ans de prison ferme a été requise respectivement contre Mourad Oulmi, patron du groupe Sovac et son frère Khidher, assortie d'une amende de 8 millions DA pour chacun et une mesure de sûreté d'une dizaine d'années. Pour l'ensemble des autres prévenus poursuivis dans cette affaire, le procureur a demandé 3 ans de prison ferme et une amende de 1 million DA chacun. Il a été aussi demandé la saisie des biens et le gel pour une période de 5 ans des activités des 17 sociétés de Mourad Oulmi avec une amende de 32 millions DA. Juste avant, le représentant du Trésor public avait remis ses demandes au juge. L'avocat de la partie civile a ainsi estimé, dans son document, le préjudice causé au Trésor public dans le cadre du montage CKD, SKD, à plus de 22 500 milliards cts. Il a aussi évalué le préjudice causé à l'Andi à près de 30 milliards cts.