Ils transfèrent l'activité de leurs sociétés à des entreprises créées au nom de leurs proches dans le cadre de l'Ansej. Le détournement des avantages fiscaux est un autre phénomène qui s'ajoute à la panoplie de «trouvailles» de certains opérateurs pour échapper au fisc. En effet, la mode chez ces opérateurs économiques est de transférer les activités de leurs entreprises vers la micro-entreprise. Ces patrons sont surtout attirés par les avantages fiscaux accordés par la législation à l'emploi des jeunes. Ainsi, les entreprises créées dans le cadre de l'Ansej et de la Cnac, sont exonérées d'impôts sur une période de sept ans. Cette législation constitue une formidable opportunité pour les opérateurs économiques désireux d'empocher tous les bénéfices, sans avoir à verser de contributions fiscales. Bien qu'il soit très difficile de chiffrer l'ampleur du phénomène, il est néanmoins certain que la «brèche» intéresse de nombreux hommes d'affaires qui hésitent de moins en moins à recourir à ce procédé nouveau pour fuir «légalement» le fisc. Un cadre du ministère des Finances qui a requis l'anonymat confirme cette tendance. «Cette manière d'agir se propage de plus en plus et nous n'avons aucun levier juridique pour la combattre», regrette notre interlocuteur qui soutient que «le phénomène fait perdre aux caisses de l'Etat des dizaines de milliards de dinars». D'autres sources indiquent la création de microentreprises par des jeunes qui disposent d'un profil quelque peu en déphasage avec celui de la population ciblée. Ainsi, des employés de l'Ansej se disent régulièrement surpris de voir débarquer dans leurs bureaux des jeunes à l'allure aisée, voire disposant souvent de véhicules de luxe. «Ces jeunes s'informent des dispositions requises pour créer une micro-entreprise», informe un fonctionnaire qui dit «flairer la combine», mais sans pouvoir rejeter leurs demandes tant qu'ils remplissent les critères qui les rendent éligibles pour la création de leurs activités. Pis, ces mêmes jeunes, servant vraisemblablement de paravent à des entreprises qui existent déjà, ouvrent également droit à un prêt bancaire de 10 millions de DA avec des taux d'intérêt bonifié. En d'autres termes, les patrons qui se reconvertissent dans «l'emploi jeunes», ont le beurre et l'argent du beurre, avec en prime une importante exemption fiscale. La longue liste. La «formule» est donc simple. Certains chefs d'entreprise transfèrent l'activité de leurs sociétés, à grand potentiel, à des entreprises créées au nom de leurs enfants, dans le cadre de l'Ansej. Les jeunes sont souvent utilisés comme des devantures par ces entrepreneurs. Ces derniers peuvent par conséquent renouveler leurs parcs industriels et roulants à moindre frais, avec en prime, une attention particulière des pouvoirs publics, sachant l'importance qu'accorde l'Etat au développement de la microentreprise, axe stratégique de la politique de lutte contre le chômage des jeunes. Des hommes d'affaires «avisés» usent de cette «technique», nous dit-on, depuis le lancement du programme de l'emploi jeune. Les mêmes sources relèvent que le phénomène s'est considérablement amplifié ses dernières années avec, notamment, la hausse du niveau d'investissement des microentreprises. Ce phénomène touche plusieurs activités, particulièrement celles du bâtiment et des travaux publics, mais également la production et l'industrie légère. «L'astuce» des entrepreneurs est, certes, nouvelle, mais elle vient allonger une longue liste de comportements frauduleux de certains hommes d'affaires nationaux. Le problème de la location des registres du commerce en est l'une des plus importantes illustrations. Une étude effectuée en 2000 sur 33 entreprises dont 20 du secteur privé, et qui ont réalisé quelque 60 milliards de dinars, a démontré que sur les 755 clients qui ont conclu des achats, 476 d'entre eux sont totalement défaillants. Ils ont tous loué des registres du commerce. L'administration fiscale a déposé près de 2044 plaintes. Il faut dire aussi que les délais moyens pour le traitement d'une plainte n'arrangent pas les choses; ces délais, estimés à 27 mois, ne font qu'encourager l'évasion fiscale, tout comme d'ailleurs les prête-noms. Aggravée par le pullulement des activités informelles, l'évasion fiscale coûte à l'Etat un passif fiscal de 600 milliards de dinars, selon des évaluations officielles. C'est pourtant légal Pour pallier les insuffisances, les pouvoirs publics comptent essentiellement sur la réorganisation en cours du système fiscal dont l'aboutissement est escompté pour 2009. Il s'agit de la mise en place d'un système de téléprocédures, la création de structures spécifiques pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les professions libérales, ainsi que l'installation de centres de proximité auxquels seront rattachés les contribuables du régime forfaitaire. Il semble que l'efficacité, même relative, des services des impôts, a amené certains entrepreneurs à «imaginer» un procédé, apparemment imparable, à travers le dispositif de l'Ansej et de la Cnac. En tout cas, il ne sera pas aisé de faire échec au stratagème qui s'appuie sur une démarche tout ce qu'il y a de plus légal. Cela dit, une source proche de l'Ansej informe que la solution du problème est actuellement en phase de réflexion. Les critères d'éligibilité au financement de l'Etat dans le cadre de l'emploi jeune pourrait connaître quelques changements dans les semaines à venir, souligne-t-on de même source.