Ce n'est pas par convergence idéologique que Le Monde a ouvert ses colonnes au cheikh. Toujours exalté, au paroxysme de sa foi, Ali Benhadj n'est pas descendu d'un cran. Dans un entretien publié hier, par le journal français Le Monde, Benhadj n'a pas aménagé un discours qu'il a servi depuis les années 90 avec ceci de plus qu'il reconnaît les «principes fondateurs de la déclaration du 1er novembre 1954». Pour lui, le pouvoir est illégitime, l'armée dirige toujours le pays et le pluralisme politique est inexistant en Algérie. Il en veut pour preuve, les mémoires du général à la retraite Khaled Nezzar dont les dernières ont été écrites en 2002, et les propos tenus par l´ex-président Ben Bella. Officiellement interdit de faire des déclarations politiques, l'entretien de Benhadj coïncide au moins avec deux événements. Il y a d'abord la publication d'une pétition sous le titre de: «Algérie: contre l'auto-amnistie, oui à la justice, non à l'impunité!» signée par plusieurs personnalités algériennes et étrangères. On retrouve Lahouari Addi, Mohamed Harbi, Hocine Aït-Ahmed, Sihem Bensedrine (Conseil national pour les libertés en Tunisie), François Gèze (éditeur), Ghazi Hidouci (ancien ministre de l'Economie) Alain Lipietz (député européen), Adolfo Perez Esquivel (prix Nobel de la paix). L'autre événement se rapporte à la lettre passée inaperçue publiée par le même quotidien. Cette missive d'une rare agressivité à l'endroit des décideurs algériens a été rédigée par le leader du FFS, Hocine Aït Ahmed. Il est clair que ce n'est pas par une quelconque convergence idéologique que Le Monde a ouvert ses colonnes à celui qui revendique toujours l'instauration d'un Etat islamique en Algérie. Loin s'en faut. Mais c'est de bonne guerre qu'un journal capte l'intérêt en mettant à profit l'exaltation démesurée d'un militant convaincu. Pour le cheikh, le pouvoir est illégitime depuis 1992, les élections de décembre 1991 ont été propres et honnêtes et le référendum du 29 septembre 2005 pour la réconciliation nationale a été truqué. C'est parce que l'état d'urgence est toujours de rigueur en Algérie, que l'ex-numéro deux du FIS dissous ne veut pas entendre parler de réconciliation nationale. Il a reproché, dans l'entretien du quotidien français, le fait qu'il ne soit pas associé à cette démarche oubliant qu'elle a été adoptée par une majorité écrasante lors d'un référendum. Les largesses de la charte pour la paix et la réconciliation nationale n'ont pas adouci la version islamiste de Savonarole. Pourtant, c'est dans le cadre de cette réconciliation nationale qu'il a été libéré. Après avoir purgé une peine de douze années à la prison militaire de Blida, le chef islamiste a été interné une seconde fois. Le 27 juillet 2005, Benhadj a approuvé le rapt de deux diplomates algériens à Baghdad, exécutés plus tard par le groupe de Moussab Zarkaoui. Il a affirmé sur la chaîne qatarie Al Jazeera, qu'«en accréditant des ambassadeurs et des diplomates dans un pays sous occupation, leur Etat ne fait que légitimer cette occupation, ce qui est inacceptable aux plans de la charia et de la politique», ajoutant: «Je salue les moudjahidine sur le sol de la résistance en Irak, que Dieu les aide à faire face, avec fermeté et détermination, à l'occupant spoliateur, à ses agents et acolytes.» Pour ses avocats, ces propos avaient été coupés alors qu'il s'apprêtait à demander la libération des deux diplomates.