En récidivant, dans une interview incendiaire au journal français Le Monde, Ali Benhadj s'est installé dans une logique de confrontation directe avec les autorités. Les séjours en prison et les mises en garde officielles n'ont pas été de nature à bloquer le forcing de ce personnage, dont la raison d'être a été, et reste, l'instauration d'un Etat islamique en Algérie. Au demeurant, Ali Benhadj n'a jamais caché cet objectif auquel il a donné un contenu concret lorsqu'il officiait, début des années 1990, en tant que numéro deux de l'ex- FIS. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il va se reconvertir en paisible revendeur de persil et abandonner son combat idéologique dès lors que la charte pour la réconciliation le lui interdit. C'est un véritable casse-tête pour les pouvoirs publics. Lors de sa dernière conférence de presse, le chef du gouvernement avait signifié aux dirigeants islamistes l'arrêt de toute activité politique. Le ton menaçant utilisé signifie qu'il peut sévir à l'encontre des contrevenants. Mais en pleine mise en œuvre de la charte pour la réconciliation, remettre en prison Ali Benhadj porterait un coup dur à cette opération basée sur le pardon et la libération des détenus islamistes. Par ailleurs, l'ex-chef du parti dissous, de nouveau dans les geôles, pourrait se forger un statut de martyr, hautement productif politiquement. Comme il a compris tout cela, Ali Benhadj est en quête permanente d'une médiatisation qui comblerait le déficit en popularité qu'il a perdu - lui et tous les dirigeants de l'ex-FIS - ces dix dernières années. Du fait qu'une partie de la presse est prête à répercuter ses messages, Ali Benhadj ne se prive point de l'alimenter en matière. Récemment, le chef du gouvernement s'était « ému » de la publicité faite aux anciens dirigeants du parti dissous et aux ex-chefs terroristes. Doit-il en vouloir aux médias ? Le questionnement ne date pas d'aujourd'hui. Dans les années 1990, en plein terrorisme, d'aucuns soutenaient que la médiatisation des actes bénéficiait essentiellement à leurs auteurs. Tout en ne soutenant pas le contraire, les professionnels de la presse refusaient cependant le mutisme et toute censure, mettant en avant le droit de la population à être informée sur la nature et la barbarie de ces attentats. Le plaidoyer était que cette information permettait de riposter contre le terrorisme et de développer des réflexes de vigilance. S'il a été respecté par les médias publics, l'« imprimatur » institué en 1994 par les autorités de l'époque a été mal reçu au niveau de la presse indépendante. Une « commission de censure » - dite les visiteurs de l'aube - était présente au sein des rotatives de presse et des journaux furent suspendus au motif, selon un ministre d'alors, « qu'ils fournissaient des tribunes publicitaires aux criminels ». Un triste bras de fer entre les autorités et les médias, censés tous deux être du côté de la même barrière contre le terrorisme. Aujourd'hui, si le terrorisme ne fait plus de ravages, son terreau reste, toutefois, quasiment intact. Une stratégie s'impose alors d'elle-même : ne pas servir de tribune à la propagande de l'intégrisme religieux mais sans diktat des autorités officielles. Le choix ne peut relever de la conscience exclusive des journalistes et des responsables de presse.