Plusieurs responsables politiques tirent la sonnette d'alarme. Dans quatre jours, Ali Benhadj sera libre. Ce n'est pas tant sa libération qui pose problème, mais l'agitation politique qui l'entoure et qui fait resurgir, du coup, les vieux démons de l'islamisme radical. La libération du numéro 2 du parti dissous, après 12 ans de réclusion, une captivité qui ne lui a, toutefois, pas donné à réfléchir, sur le fait qu'il est derrière la mort des dizaines de milliers d'Algériens, impose aux responsables du pays, tous les responsables à quelque niveau qu'ils soient, un désobligeant bilan de leurs politiques depuis le salutaire arrêt du processus électoral de 1992. La sortie de prison de celui qui a voulu instaurer la charia par le glaive rappelle aux Algériens que la décennie qu'ils viennent d'entamer n'est pas exempte de risques islamistes, et que leurs dirigeants n'ont rien fait pour leur éviter de sombrer encore une fois dans le cauchemar des années 1990. Un malheur n'arrive jamais seul. L'élargissement de Ali Benhadj aurait pu se dérouler comme une tout autre libération, n'était le bruit qui est fait tout autour par des cercles qui voient dans l'islamisme le seul moyen de s'assurer une survie politique, à l'approche de l'échéance électorale de 2004. Abdenour Ali Yahia est l'un d'eux. C'est d'abord lui qui annonce la date de la libération, pour le 2 juillet prochain, et c'est lui ensuite qui l'entoure de gloriole jusqu'à en faire un héros, voire un martyr. Celui qui s'est attelé, ces dernières années, à défendre moins les droits de l'homme que ceux de l'islamisme met en garde contre une éventuelle révision du procès de Ali Benhadj. Sans que leurs déclarations soient intimement liées au retour en force des islamistes à l'occasion de l'imminente libération du dirigeant de l'ex-fis, plusieurs responsables politiques jugent, aujourd'hui, utile de nous jeter à la face l'idée de la persistance de la menace islamiste. Le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, trouve, dans une déclaration à la presse avant-hier, qu'“il est désolant de voir des gens se préoccuper du pouvoir et de la présidentielle, au moment où l'on assiste à la recrudescence du terrorisme et au retour de l'intégrisme”. Le FLN le dit autrement en insistant dans son nouveau discours sur la nécessité d'une lutte sans merci contre le terrorisme. Qu'a-t-on fait pour endiguer ce phénomène depuis son apparition dans notre pays ? Quand le chef d'état-major souligne que la lutte antiterroriste n'a pas été suivie d'un discours politique mobilisateur contre l'islamisme dans sa globalité et d'actions à même d'annihiler sa matrice, la misère sociale et l'injustice, il fait le bon diagnostic. À chaque fois que le terrorisme est acculé, il trouve toujours les sources de sa régénérescence. Le terreau social dans lequel il s'abreuve continue à lui insuffler la dose d'oxygène qui lui permet de subsister. Les politiques faites d'hésitation et de renoncement ont fait le reste du travail. C'est à la faveur d'un discours officiel qui servait des “monsieur” à Hassan Hattab du GSPC et qui jugeait provocants certains comportements de citoyens à l'égard des repentis que l'islamisme s'est cru vainqueur et ses militants des “héros d'une cause juste”. C'est cette politique qui fait craindre aujourd'hui le pire. Ali Benhadj a, depuis sa cellule, fait de “la politique”, en envoyant plusieurs lettres, la première est un appel au djihad, et la dernière, publiée sur le site Internet du parti dissous, a été adressée à l'ambassadeur de l'Irak à Alger lors des attaques américaines contre le régime de Saddam Hussein. La menace islamiste est bien présente. Mais est-il si tard pour réduire sa portée que le responsable du RND tire la sonnette d'alarme ? Le discours qui pourrait remobiliser encore une fois les Algériens, après toutes les concessions accordées aux promoteurs d'un Etat théocratique dans notre pays, serait difficile à rédiger, quand Ali Benhadj rassure, par le biais de sa famille, Abdellah Djaballah du MRN, candidat à la prochaine élection présidentielle. S. R.