Afin de ne pas revivre les tragédies qu'avaient connues, par le passé, les rives de Oued Derfouet certains quartiers de la ville, les autorités locales ont décidé de rassembler des clandestins africains dans les locaux de l'ex-souk el-fellah en attendant de les reconduire à la frontière algéro-malienne. Cette décision concerne environ 300 clandestins de différentes nationalités qui avaient élu domicile sur les berges de l'oued Derfou ou squatté des logements de l'Eplf encore inachevés. Pour rappel, l'année dernière, à la même époque, les services de sécurité avaient reconduit aux frontières sud environ 250 Africains qui vivaient dans des conditions lamentables à Maghnia. Ces derniers guettaient le moment propice pour entrer au Maroc et rejoindre l'enclave espagnole de Ceuta et Mellila où ils espéraient obtenir l'asile. Les autorités marocaines, qui capturaient ces clandestins, ne s'embarrassaient pas pour les reconduire aux frontières et les obligeaient à pénétrer en territoire algérien. Plusieurs de ces malheureux avaient révélé que les éléments du makhzen maltraitaient ceux qui tombaient entre leurs mains avant de les dépouiller de leurs biens, argent et documents. Plusieurs ont péri en tentant cette traversée sans que leur mort soit reconnue par l'administration de Rabat. La présence de ces clandestins à Oued Derfou incommodait les habitants de Maghnia qui assistaient impuissants à la prolifération de plusieurs maux sociaux tels que le vol ou la prostitution. Plusieurs femmes africaines, qui habitaient ces «ghettos», privées de moyens de subsistance, n'hésitaient pas à s'adonner au plus vieux métier du monde pour ne pas mourir de faim et réunir un petit pécule qui leur permettrait de poursuivre l'aventure vers le Nord. A l'occasion de contrôles sanitaires effectués dans le campement, des cas de syphilis et de sida ont été détectés parmi ses habitants. Certains entrepreneurs peu scrupuleux et autres autoconstructeurs de la région trouvaient en ces malheureux une main d'oeuvre à bon marché, capable d'abattre beaucoup de travail sans se montrer exigeante. La vie dans ces camps, faite de promiscuité entre des individus de confessions et d'ethnies différentes, était source de fréquentes frictions. En 1999, de véritables batailles rangées avaient éclaté entre des clandestins nigérians de confession musulmane et des ghanéens chrétiens pour un vague motif de provocation, au moment de la prière du vendredi. Pour calmer les esprits, il aura fallu l'intervention des forces de l'ordre pour séparer «les belligérants». Au terme de ces affrontements, on a dénombré des blessés, dont plusieurs, gravement atteints. Ces clandestins, qui fuient leurs pays en proie à la famine et à la guerre, choisissent la ville de Maghnia en raison de sa proximité avec le Maroc. Voulant à tout prix rejoindre l'Europe, ils sont souvent une proie facile pour les gardes-frontières ou les éléments du makhzen marocains. Plusieurs aussi ont été victimes de réseaux de passeurs marocains qui ne s'embarrassent pas de scrupules pour les détrousser avant de les livrer aux patrouilles des services de sécurité de Sa Majesté. Ces malheureux se retrouvent ballottés dans un océan d'incertitudes, exposés à mille dangers et sans aucune assurance de s'accrocher à une planche de salut qui leur permettrait de regagner la terre ferme, car, au bout du compte, les frêles embarcations qu'ils empruntent pour fuir vers le Nord, ne sont souvent qu'un insignifiant fétu de paille qui ne peut passer les mailles du filet de la guardia civile qui mène une guerre sans merci aux «clandos».