Houda Imane Feraoun et Djamila Tamazirt ont passé leur première nuit en prison. Les deux ex-ministres qui ont dirigé respectivement les départements de la Poste et des Télécoms et de l'Industrie et des Mines sous le règne du président déchu Abdelaziz Bouteflika, ont été jetées en prison, le même jour qu'Abdelkader Zoukh, l'ex-wali d'Alger. C'est à la suite de l'acceptation par la chambre d'accusation d'un recours introduit par le procureur près le pôle spécialisé de lutte contre la corruption pour une mise en détention préventive au lieu du contrôle judiciaire, que les deux femmes ont été écrouées. Entendues comme témoins, dans des affaires liées à la corruption dans les secteurs qu'elles ont eu à gérer, les deux ex-ministres ont fini par être inculpées et placées sous contrôle judiciaire avant que le procureur n'exprime la demande de leur incarcération. Le nom de Houda Feraoun a été cité dans l'affaire des frères Kouninef qui avaient bénéficié d'un important marché avec Algérie télécom (AT) pour le raccordement des cabines téléphoniques Horia au réseau. Ce marché conclu en 2004 qui a tourné au fiasco, a coûté plus de 277 milliards de centimes de dédommagement d'AT à l'entreprise des Kouninef. Il est reproché à Houda Feraoun, qui a occupé le poste de ministre entre mai 2015 à janvier 2020, des infractions aux dispositions législatives et réglementaires par l'octroi d'indus avantages à autrui lors de la passation de marchés publics, dilapidation de deniers publics et abus de fonction. Il y a aussi plusieurs autres contrats de gré à gré attribués dans son secteur entre 2015 et 2019 à de grosses sociétés étrangères, notamment le géant chinois Huawei qui a bénéficié d'un marché de 300 millions de dollars portant sur le déploiement de 1 million d'accès FTTX dans le cadre du développement du haut débit en Algérie. D'aucuns, il est appris que les enquêteurs se sont penchés sur le dossier pour vérifier les soupçons de surfacturation. La plus jeune ministre du gouvernement Sellal qui avait procédé, faut-il le rappeler, à de nombreux limogeages de cadres dans son secteur, avait été la cible de nombreuses attaques. Certains affirment que les destitutions des responsables visaient à faire passer des projets ou à en bloquer d'autres comme cela a été le cas pour le projet du paiement via mobile de Mobilis. Un projet, dit-on, qui faisait de l'ombre au projet des frères Kouninef sur le paiement en ligne avec leur société Monetix. Il y a eu aussi beaucoup de bruit autour du fonds du service universel des télécommunications. Les 4 ans de gestion de Houda Feraoun sont aujourd'hui passés au crible et le procès finira par révéler les agissements des uns et des autres. À l'industrie, c'est Djamila Tamazirt qui doit rendre des comptes. Directrice financière et comptable de l'EPE Eriad de 1999 à 2006, DG puis P-DG de cette même entreprise de 2007 à 2014 avant de devenir P-DG du groupe Agrodiv de 2015 à 2018, Djamila Tamazirt a été admise à la retraite avant d'être rappelée comme ministre de l'Industrie en remplacement de Youcef Yousfi, deux jours seulement avant la démission du président Bouteflika. Durant sa gouvernance qui aura duré moins d'un an, il semble bien que la ministre soit allée bien au-delà de la simple tâche de gestion des affaires courantes qui lui a été confiée. Elle est aujourd'hui poursuivie dans l'affaire du complexe de Corso, pour abus de pouvoir, octroi d'indus privilèges en violation des lois et réglementations, octroi d'avantages indus lors de la passation de marchés publics, dilapidation volontaire et détournement de deniers publics dans le cadre de l'exercice des fonctions, trafic d'influence, conflit d'intérêts, fausse déclaration des biens, blanchiment d'argent et de revenus criminels issus de la corruption. C'est du moins, la seule affaire connue actuellement par les médias. À préciser que le collectif de défense des deux anciennes ministres a fait appel devant la Cour suprême de la décision de mise en détention provisoire de ses mandantes.