Une série d'événements spectaculaires se sont succédé mardi au niveau de différentes instances judiciaires qui ont décidé de placer en détention provisoire trois anciens ministres sous Bouteflika. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - La journée avait commencé, comme on le sait, avec la décision d'incarcérer l'ancien wali d'Alger, jugé et condamné pour octroi d'indus avantages et mauvaise utilisation de fonction. Le président du tribunal de Tipasa a prononcé un mandat de dépôt à l'audience, Abdelkader Zoukh est menotté et conduit en prison. Il est 13h30 lorsque ces faits se produisent. La journée est loin d'être finie, d'autres affaires lourdes, liées à la corruption, sont en cours ailleurs, à la cour d'Alger où la chambre d'accusation s'apprêtait à trancher dans le dossier Houda Feraoun et Djamila Tamazirt. Respectivement ministres des Télécommunications et de l'Industrie, les deux anciennes responsables ont comparu en été dernier devant la Cour suprême où décision a été prise de leur retirer leurs documents de voyage (placées sous ISTN) et de les placer sous contrôle judiciaire. Leurs prochaines comparutions devant un juge n'auront, cependant, pas lieu devant la même instance. Au mois d'août, et dès la suppression de la juridiction de privilège dont jouissaient les membres du gouvernement et hauts responsables du pays, les dossiers de Houda Feraoun et Djamila Tamazirt sont transférés, parmi tant d'autres, au pôle spécialisé mis en place au tribunal de Sidi-M'hamed. C'est désormais là qu'elles doivent également passer chaque mois signer un procès-verbal auprès du juge en charge de leur dossier. À la fin de la semaine dernière, l'ex-ministre des TIC comparaissait à nouveau devant un magistrat chargé d'instruire le second volet du dossier des frères Kouninef. Le juge la laisse sous contrôle judiciaire, tout comme Djamila Tamazirt qui est entendue pour une affaire différente. Cette décision est remise en cause par le procureur de la République qui décide de saisir la chambre d'accusation. Cette instance chargée de trancher dans les conflits de ce genre rend son verdict mardi en fin d'après-midi. Elle déboute le juge qui a laissé les deux anciennes ministres en liberté et confirme la demande du représentant du ministère public. Le mandat de dépôt est prononcé à l'encontre des deux femmes. La nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Elle fait également grand bruit sur les réseaux sociaux. Trois anciens hauts responsables incarcérés le même jour n'est pas un évènement ordinaire. La défense des deux prévenues réagit très rapidement. Mercredi matin, à la première heure, les avocats introduisent une cassation auprès de la Cour suprême. Les deux mises en cause sont poursuivies dans des affaires liées à la corruption. Le nom de Houda Feraoun est apparu pour la première fois au sein d'une longue liste d'anciens ministres soupçonnés d'avoir accordé d'indus avantages aux frères Kouninef. Comme Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Abdelwahid Temmar, Abdeslam Bouchouareb, Amar Tou, Amar Ghoul, Necib Hocine, ex-ministre des Ressources en eau, Loukal Mohamed, ex-ministre des Finances et ex-P-dg de la BEA, elle est inculpée pour ce fait et pour mauvaise utilisation de fonction. Le dossier pour lequel Houda Feraoun a été inculpée n'est autre que celui de Mobilink. Selon l'enquête menée à ce sujet, le département dont elle était en charge a été saisi à deux reprises au sujet de l'affaire Horia-Algérie Télécom, mais les lettres qui lui ont été adressées sont restées sans suite. Des fonctionnaires et cadres du ministère ont également témoigné et confirmé les anomalies existant dans l'application des clauses d'une convention de raccordement des cabines téléphoniques Horia au réseau Algérie Télécom. Selon les éléments fournis par l'enquête, ce projet a causé de grands torts à AT qui a été contrainte de verser 2 813 377 54 268 DA à Mobilink. Des responsables du secteur concerné ont fait également état de pressions exercées par la ministre des Télécommunications durant la passation du contrat en faveur de Mobilink. Le nom de Djamila Tamazirt est, lui, lié au dossier Ben Amor. En février dernier, elle avait été entendue pour octroi d'indus avantages au même titre que les deux ex-chefs de gouvernement Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ainsi que l'ancien ministre de l'Agriculture Rachid Benaïssa. Elle est poursuivie, entre autres, pour mauvaise utilisation de fonction et octroi illégal d'avantages à l'homme d'affaires. A. C.