En décembre 2020, la nation arabe n'a plus d'étendard. Malgré la langue et la religion censées unir les 414 millions d'âmes qui y vivent, aucun habitant de cet espace géographique ne s'y identifie vraiment. Il n'y a rien qui unit les destins des populations arabes. Les Etats ont fait en sorte d'éloigner les sociétés et il s'en est trouvé certains gouvernements qui ont trahi la cause sacrée de la Palestine. Crée le 22 mars 1945, à l'initiative de six pays arabes, conduits par l'Egypte et sous les auspices de la Grande-Bretagne, la Ligue des Etats arabes n'a pas brillé par une quelconque efficacité, malgré un apport conséquent en membres, pour arriver jusqu'à 26 Etats. 3 ans après sa création, en 1948, la Ligue était confrontée à la création de l'Etat hébreu. Soutenus par les Occidentaux, les sionistes, à l'origine du nouvel Etat, constituaient le premier et seul défi majeur à la cohésion des Etats arabes. La première réaction des fondateurs de l'organisation panarabe consistait à refuser la «greffe» et frapper le nouvel Etat, au coeur de la «nation», d'illégitimité. Mais force est de constater que de plus en plus de pays semblent accepter la greffe et l'on voyait cela au fil des nombreux sommets de la Ligue arabe consacrés à la question palestinienne. Deux guerres en 1967 et 1973, avec l'embargo sur l'or noir décidé à Alger, auront été le haut fait d'armes d'une organisation qui, depuis cette époque, n'en finit pas de broyer du noir. La dernière expression d'unité des Etats arabes a eu lieu en novembre 1973, à Alger. La conférence des rois et chefs d'Etat arabes a voté à l'unanimité une résolution portant sur «la rupture des relations diplomatiques, consulaires, culturelles et économiques avec les Etats qui restent ancrés dans une politique colonialiste». L'ancrage africain du Monde arabe aurait pu mener l'organisation à une autonomie véritable, d'autant que le choc pétrolier de 1973 avait fait exploser le prix de l'or noir. Mais force était de constater qu'à l'époque déjà les pays arabes n'avaient visiblement pas l'intention de suivre l'approche «révolutionnaire» de l'Algérie. Et pour cause, quelques années plus tard, l'Egypte provoque la première fracture dans le corps arabe. Le 17 septembre 1978, le président Anouar Essadat signait les accords de Camp David avec Israël. Une année plus tard, Le Caire est bannie, mais le ver était déjà dans le fruit. Cela s'est clairement vérifié le 10 septembre 1990, où 12 des 21 membres de la Ligue arabe actaient la réintégration de l'Egypte. La dernière tentative de trouver un terrain d'entente avec l'Etat hébreu, votée à l'unanimité par les Etats arabes, l'a été en 2002. Le prince d'Arabie saoudite Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud, fit adopter son plan qui préconisait une normalisation des relations entre Israël et chacun des pays de la Ligue arabe, en échange d'un retrait de la Cisjordanie, de la bande de Ghaza et du plateau du Golan. Le plan rejeté par Israël mit la Ligue des Etats arabes dans l'impasse. Et depuis, c'est le chacun pour soi. Les divisions provoquées par la guerre en Syrie ont fini par faire de la Ligue une «organisation quasi moribonde». La voie de la traîtrise était désormais pavée et les monarchies arabes, les unes après les autres, ont entrepris de nouer des relations discrètes avec l'Etat hébreu. Il n'était plus question de question palestinienne et encore moins de solidarité inter-arabe. Jusqu'au lâchage des Emirats arabes unis, de Bahreïn et du Maroc qui a sonné comme un tournant historique dans le parcours finissant d'une Ligue qui risque de finir dans les poubelles de l'Histoire. En 75 ans d'existence de leur organisation, les Etats arabes ont fait le tour de la question. Pas d'intégration économique, pas de politique étrangère commune, pas de solidarité inter-arabe et pour finir, la seule grande question qui les unissait, à savoir la cause palestinienne, ne pèse plus rien dans l'agenda de pas mal de ses membres. Lesquels ont préféré le rôle de simples supplétifs de l'impérialisme occidental et son allié historique, le sionisme, à celui d'acteurs du réveil arabe.