La politique des petits pas en direction d'Israël, en rangs dispersés, a fini par briser la cohésion arabe. Tous les sommets arabes butent invariablement sur la question du conflit israélo-palestinien, d'abord pour des raisons inhérentes au monde arabe, ensuite pour le refus américain d'exercer une pression suffisante à l'effet de contraindre Israël à évacuer les territoires occupés depuis juin 1967 et enfin, pour l'impossibilité du Conseil de sécurité de l'ONU à faire appliquer ses résolutions. Cette question est fondamentalement au coeur de l'évaluation de la capacité des pays arabes à donner de sérieux gages de leur volonté à s'unir. En 1967 et en 1973, les pays arabes de la ligne de front s'étaient engagés solidairement en rangs unis dans la guerre contre Israël, mais en sortirent séparément ; les derniers à en sortir, dont la Syrie, devant supporter tout le poids de la guerre. La politique des petits pas en direction d'Israël, en rangs dispersés, a fini par briser la cohésion arabe. Dès lors, Israël a tiré les éléments de son intransigeance face aux Palestiniens du fait que la normalisation de ses relations avec l'Egypte d'abord, avec la Jordanie ensuite, a rendu impossible une guerre israélo-arabe. La destruction du potentiel militaire irakien, couplée à l'engagement des Etats-Unis à agrandir l'écart, en termes de puissance militaire et de supériorité opérationnelle, en faveur d'Israël par rapport à l'ensemble des pays arabes, a fait d'Israël la superpuissance dans la région. Les pays arabes partent alors d'un constat: certains d'entre eux ont décidé unilatéralement de s'engager dans des relations diplomatiques officielles avec l'Etat d'Israël. D'autres ont manifesté l'intention de les y rejoindre. Dès lors, la question de la reconnaissance de l'Etat d'Israël et de l'établissement des relations diplomatiques avec ce dernier procèdent de décisions nationales souveraines qui font l'économie de leur mise en examen au sein de la Ligue arabe. Ainsi, un élément-clé de l'unification des rangs arabes et de la possibilité pour le monde arabe de disposer d'une politique extérieure commune a sauté.De la même façon, s'avère également l'impossibilité pour le monde arabe de se doter d'une politique de défense commune. Israël souhaite ainsi que la normalisation de ses relations avec vingt et un pays arabes soit effective avant même la résolution de son conflit avec les Palestiniens. Sharon, considéré, à tort ou à raison, comme l'un des plus radicalistes des dirigeants israéliens sur cette question, plus particulièrement, est accusé d'un soudain et suspect ramollissement par ceux qui portent une vision biblique de l'Etat d'Israël, le grand Israël qui devait aussi intégrer la Jordanie. Ce dernier pays en établissant des relations diplomatiques avec l'Etat d'Israël, a placé les «intégristes» juifs devant un fait accompli. Sharon, par rapport donc au rêve biblique, tient compte des réalités du terrain en décidant d'évacuer la bande de Gaza dans laquelle les populations israéliennes issues des colonies de peuplement sont minoritaires, et en décidant également de les transférer vers la Cisjordanie pour y favoriser la démographie déjà assez importante. Or, à ce niveau se trouve la contradiction entre la proposition arabe de l'échange de la paix arabe contre les territoires pour conditionner la normalisation des relations entre Israël et le monde arabe. Israël est décidé à conserver une partie de la Cisjordanie, le centre judaïque historique et Jérusalem Est comme production de la vision portée par Sharon. Il y a donc ainsi, une impasse au regard du plan de paix de Beyrouth réitéré à Alger et du projet ferme de Sharon. Sharon s'estime d'autant moins contraint à répondre favorablement à cette proposition arabe qu'il semble avoir l'assurance que des pays arabes s'apprêteraient à entrer dans un processus de normalisation de leurs relations avec son pays, affaiblissant davantage la capacité de négociation des Palestiniens. La normalisation des relations avec Israël, dans le contexte où celui-ci affiche ses ambitions d'un Etat palestinien amputé d'une partie de son territoire, est perçue par Sharon comme une caution apportée à son plan. Les Israéliens ont toujours en mémoire une phrase d'un de leurs anciens chefs de la diplomatie: «Israël est le seul Etat au monde qui ne peut pas se permettre le luxe de perdre une guerre». Alors, il n'accepte jamais de transférer ses responsabilités de défense sur une quelconque organisation internationale, celle-ci fût-elle l'Otan, ni même sur les Etats-Unis.