Cette interview du professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international a été donnée pour l'international en anglais à l'important hebdomadaire financier britannique The Economist, imprimé simultanément dans six pays, étant un des hebdomadaires de référence économique et financière à l'échelle mondiale, publié à la fois sur papier et Web, sa diffusion étant supérieure à 1 500 000 exemplaires et pour l'Algérie, en langue française, au quotidien L'Expression. L'impact de la dévaluation du dinar sur l'économie algérienne Pour la période de 2001 au 20 décembre 2020, nous avons la cotation suivante: * 2001: 77,26 dinars un dollar; 69,20 dinars un euro. * 2005: 73,36 dinars un dollar; 91,32 dinars un euro. * 2010: 74,31 dinars un dollar; 103,49 dinars un euro. * 2015: 100,46 dinars un dollar; 111,44 dinars un euro. * 2016: 100,46 dinars un dollar; 111,44 dinars un euro. * 2017: 110,96 dinars un dollar; 125,31 dinars un euro. * 2018: 116,62 dinars un dollar; 137,69 dinars un euro. * 2019: 119,36 dinars un dollar; 133,71 dinars un euro. * 20 décembre 2020: 132,4566 dinars un dollar; et 161,7957 dinars un euro. Le gouvernement actuel prévoit pour 2023 environ 185 dinars un euro et 156 dinars pour un dollar, et en prenant un écart de 50% par rapport au marché parallèle, nous aurons environ 300 dinars un euro minimum en 2023, sous réserve de la maîtrise de l'inflation, sinon l'écart serait plus important, avec une projection de 240/250 euros fin 2021 en cas d'ouverture des frontières. Face aussi au manque de dynamisme du secteur public les assainissements supportés par le Trésor public ayant largement dépassé 100 milliards de dollars entre 2000-2020, cette dévaluation a pour but essentiel de combler le déficit budgétaire, le dérapage du dinar par rapport au dollar et à l'euro, ce qui permettra d'augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d'hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu'en euros convertis en dinar dévalué qui, selon la loi de finances prévisionnelle PLF 2021, serait de 21,75 milliards de dollars en 2021 (avec un cours de 128 dinars pour 1 dollar, au moment de l'adoption de cette loi), contre 18,60 milliards de dollars et un déficit global du Trésor prévu de 28,26 milliards de dollars à la clôture 2020,-Comme le taux d'intégration des entreprises publiques et privées ne dépasse pas 15%, important en devises les matières premières et équipements, la dévaluation du dinar, sans de profondes réformes structurelles, va entraîner un processus inflationniste qui pénalisera le pouvoir d'achat des Algériens. Alors que pour attirer les opérateurs tant nationaux qu'internationaux, s'impose la stabilité politique, monétaire et juridique. L'impact de la baisse des recettes d'hydrocarbures sur l'économie Algérienne Selon le FMI, le prix d'équilibre du baril pour l'Algérie était estimé de 104,6 dollars en 2019, à 101,4 dollars en 2018 et à 91,4 en 2017. L'économie algérienne étant une économie rentière cela a un impact sur tous les indicateurs macroéconomiques et macrosociaux. Les recettes de Sonatrach représentant 98% des recettes en devises avec les dérivées qui sont passées de 34 milliards de dollars en 2019 à une prévision de 20/21 milliards de dollars fin 2020, n'oubliant jamais que 33 pour cent des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel dont le cours a chuté de près de 70% étant coté le 20 décembre 2020 sur le marché libre à 2,779 dollars le MBTU contre 8/10 dollars en 2010. Nous avons assisté à une baisse sensible en volume en raison de la concurrence internationale, de la faible rentabilité des anciens puits et peu d'attrait de l'investissement international, entre 2007-2019 tant du pétrole que du gaz. Les prévisions du ministère de l'Energie au rythme de la consommation actuelle avec les subventions généralisées, la consommation intérieure dépassera les exportations actuelles horizon 2030. Par exemple, les canalisations représentant environ 70% (les GNL 30%) Medgaz via l'Espagne et Transmed Via l'Italie fonctionnent à une capacité inferieure à 50% depuis l'épidémie du coronavirus. D'où l'importance de la transition énergétique, efficacité énergétique et développement des énergies renouvelables dont l'Algérie a d'importantes potentialités. Sur le taux de croissance Qui est déterminé essentiellement par la dépense publique via la rente des hydrocarbures qui a été de 0,8% en 2019 étant prévu un taux de croissance négatif de 5% pour 2020, et positif de 3% en 2021. Mais attention, un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente:un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance négatif en T0 donne globalement en T1 un taux de croissance faible amplifié par l'épidémie du coronavirus qui paralyse la majorité des activités, le seul secteur dynamique en 2020 pour l'Algérie étant l'agriculture. Comme conséquence du faible taux de croissance sur le taux de chômage La population algérienne est passée de 12 millions en 1965, de 34.591.000 le 1er juillet 2008, à 37,5 millions d'habitants en 2010, 39,5 millions d'habitants au 1er janvier 2015, et à 44,6 au 01er janvier 2020. Il faudra créer 350.000/400.000 emplois par an qui s'ajoutent aux taux de chômage actuel prévu à 15,5% par le FMI entre 2020/2021 contre 11,5%, données du gouvernement en 2019.La structure actuelle de l'emploi montre le primat du commerce et de l'administration (tertiairisation) suivi du bâtiments travaux publics- avec la dominance de la sphère informelle où pour environ 12,9 millions de population active, plus de 40% de l'emploi hors hydrocarbures au sein de cette sphère sans projection sociale et contrôlant selon la banque d'Algérie 33% de la masse monétaire en circulation. Avec l'épidémie du coronavirus et la crise actuelle cette sphère s'est amplifiée et cela n'étant pas propre à l'Algérie, des organisations patronales évoquent pour la sphère réelle une utilisation des capacités d'à peine 50% et des pertes d'emplois importants. Sur les réserves de change Qui tiennent à 70% comme au Venezuela la cotation du dinar algérien: qui ont évolué ainsi: 2013: 194,0 milliards de dollars, - 2018: 79,88 milliards de dollars - fin 2019: 62 milliards de dollars, - fin 2020, les prévisions de la loi de finances complémentaire étant de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévu dans la loi initiale Le FMI pour prévoit 33,8 milliards de dollars fin 2020, le trésor français 36 milliards et fin 2021, début 2022, entre 12/15 milliards de dollars. Dans ce cas fin 2021 et non 2023 comme le prévoit le gouvernement, en cas de non dynamisation du tissu productif dans le cadre des valeurs internationales (coûts et qualité), la banque d'Algérie sera contrainte de dévaluer officiellement le dinar à plus de 200 dinars un euro et le cours sur le marché parallèle risque de s'envoler à environ 300 dinars un euro, entraînant une hausse des taux d'intérêts des banques pour éviter leur faillite avec une spirale inflationniste. Quelle conclusion? Les investisseurs attendent depuis des mois le Code d'investissement et la délimitation de la règle du 49/51% de ce qui est stratégique et des segments qui ne le sont pas. Mais malgré toutes ces tensionsbudgétaires, le gouvernement algérien a maintenu les transferts sociaux budgétisés, comme acte de solidarité nationale quasiment inchangés par rapport à 2019, s'établissant à près de 14 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar, 1.798,4 Mds de DA, soit 8,4% du PIB, et plus de 21% de la totalité du budget de l'Etat, destinés au soutien aux familles et à la caisse de retraite qui a connu, depuis 2014, un déficit qui ne cesse de s'accroître en passant de 1,2 milliard de dollars en 2014 à 5,2 milliards de dollars en 2019, lequel atteindrait les 5,3 milliards de dollars en 2020, le nombre de retraités s'élevant fin 2019 à 3,2 millions.. Cependant, à l'avenir ces transferts, injustes socialement, source de gaspillage économiquement, sont intenables pour le Trésor public sans actions ciblées au profit des territoires et des couches les plus démunies. D'une manière générale, l'Algérie pays à fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine doit renouveler sa gouvernance par la démocratisation des institutions, impliquant la moralisation des dirigeants et la société par la lutte contre la mauvaise gestion et la corruption, cancer de la rente, l'implication des citoyens par une réelle décentralisation autour de quatre à cinq pôles régionaux, s'adapter tant aux nouvelles mutations géostratégiques qu' à la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique, en bref, réaliser de profondes réformes politiques, économiques, sociales et culturelles solidaires. [email protected] Professeur Abderrahmane Mebtoul,diplômé en expertise comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille France, Docteur d'Etat Es Sciences économiques (1974) Président du Conseil national des privatisations (Algérie) 1996/1999 sous la période du président Liamine Zeroual - Haut magistrat, premier conseiller à la Cour des comptes, directeur général des études économiques 1980/1983 directeur d'études ministère Energie-Sonatrach1974/1979-1990/1995-2000/2007-2013/2015- 2019 à ce jour Chef de file de la délégation algérienne de la société civile de la Méditerranée orientale des 5+5+ Allemagne et président de la Commission de la transition énergétique.