Les recommandations du rapport Stora ont ceci de constructif en ce qu'elles mettent l'Etat français devant ses responsabilités historiques, sans remuer les démons du passé. Il y a dans la démarche une réelle volonté de soustraire le dossier mémoriel aux pesanteurs de la politique et des intérêts étroits de groupes de nostalgiques, souvent malintentionnés. Le travail de Benjamin Stora, évidemment discutable sur certains points, a le mérite d'épouser l'esprit du président Macron qui, crescendo, a su faire montre de pédagogie et parfois de courage (il faut oser le mot), pour dépoussiérer un dossier rendu explosif par une extrême droite française revancharde. C'est bien ce même Macron qui, en février 2017, à un jet de pierre de la Présidentielle dans son pays a «osé» condamner la glorification de la colonisation, tout en la qualifiant de crime contre l'humanité. Certains y ont vu «une gaffe de jeunesse», mais en réalité, il a développé une conviction que dans la colonisation, il y avait «des éléments de civilisation et des éléments de barbarie». Une sorte d'«en même temps» qu'on lui connaît en France, mais sur le dossier mémoriel, cette approche a le mérite de déminer le terrain. Le président Emmanuel Macron a été confronté au lobby colonialiste, avec lequel, il fallait ruser et à ce propos, le président Tebboune a reconnu sa bonne foi et mis en évidence l'acharnement des nostalgiques à vouloir casser la dynamique réconciliatrice qu'il a initiée, il annonce la restitution des restes de 24 martyrs algériens tués au XIXe siècle par l'armée française et conservés au Musée de l'Homme à Paris. Un acte concrétisé en juillet 2020. Marquant des points contre les ultras dans son pays, le président français engage en septembre 2018 un processus inédit dans les annales de la République française. Il prononce officiellement le mot «Pardon», au domicile de la veuve de Maurice Audin, 61 ans après la mort sous la torture de ce militant communiste de 25 ans. Il demande «pardon» à Josette Audin, 87 ans. Celle-ci a été destinataire des mains du président français en exercice d'une déclaration reconnaissant, «au nom de la République française, que Maurice Audin a été torturé puis exécuté, ou torturé à mort». Il est clairement précisé dans la même déclaration que la mort de Maurice Audin a été «rendue possible par le système institué alors en Algérie par la France». Un pas de géant dans la voie, peut-être pas de la repentance, mais certainement de la reconnaissance du caractère barbare du colonialisme français en Algérie. Cette volonté de rapprochement historique, Emmanuel Macron semble l'avoir voulue, plus que politique, en désignant un fin connaisseur de la culture algérienne à la tête de la représentation diplomatique en Algérie. François Gouyette, marié à une Algérienne, pétri de savoir-faire diplomatique, est également appelé à être un acteur central du «nouvel âge» des relations algéro-françaises. C'est bien la première fois dans les relations entre les deux pays que la France entend mettre toutes les chances du côté de la réconciliation. Et le choix de Gouyette n'est certainement pas fortuit. Il y a dans la démarche une dimension politico- historique, mais également humaine, à la hauteur de la complexité des relations entre les deux pays. Le rapport Stora donne un prolongement à une volonté de Macron de casser un cercle vicieux. «Au fond, nous nous sommes enfermés dans une espèce de balancier entre deux postures: l'excuse et la repentance d'une part, le déni et la fierté de l'autre. Moi, j'ai envie d'être dans la vérité et la réconciliation», résume-t-il dans un entretien à Jeune Afrique en novembre dernier.