L'islamologue Saïd Djabelkhir va comparaître devant le juge de Sidi M'hamed, le 25 du mois en cours. Le motif de cette comparution est inhérent à l'accusation de «moquerie à l'égard des sciences de la religion et des rites islamiques». La plainte a été déposée par un certain enseignant à l'université de Sidi Bel Abbès, à savoir Bachir Bouidjra Abderrezak. Cette affaire suscite une vive polémique dans les réseaux sociaux et engage un débat houleux sur les tenants et les aboutissants de cette démarche de ce citoyen qui a déposé plainte contre Saïd Djabelkhir et, ceux qui se dissimulent derrière son nom. Le tribunal a accepté la plainte, c'est ce qui veut dire que Saïd Djabelkhir va comparaître devant un juge pour un chef d'inculpation des plus vagues et drôles à la fois, à savoir «moquerie à l'égard des sciences de la religion et des rites islamiques». Ce qu'il faut savoir, c'est que, Saïd Djabelkhir, en aucun moment dans ses interventions ou débats publics ou à travers ses écrits n'avait fait allusion à cette « moquerie» qu'on lui colle abusivement et tendancieusement. Cette affaire est fomentée par les salafistes et takfirites qui n'ont cure de propager l'ignorance et des inepties les plus burlesques relatives au récit islamique et s'adossent aux interprétations d'El Boukhari et d'autres pour se donner une sorte de légitimité religieuse. Il s'agit d'aborder les courants et les schismes dont la lecture du patrimoine arabo-musulman est foncièrement instrumentalisée par les adeptes de ces schismes dans le but d'asseoir leur légitimité aux visées de pouvoir par excellence. L'énoncé de «moquerie» est vague voire sibyllin même. Surtout que ceux qui appuient cette plainte au niveau du tribunal, sont des éléments dont l'apologie de «crime» et des appels au lynchage à l'adresse de tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont avérés, il suffit de consulter Internet pour voir ce qui se propage comme menaces et campagne takfirite dans leurs pages facebook. Saïd Djabelkhir fait l'objet d'une campagne savamment orchestrée par une nébuleuse islamiste dont le discours de modernité et de rationalisme dérange beaucoup leurs agendas et leurs objectifs relevant d'un projet de société obscurantiste et nihiliste. La bataille sera très rude dès lors que la liberté comme exigence d'une société plurielle et de progrès soit bannie et pestiférée par les ennemis de la raison et de la pensée critique. On ne peut pas accuser une personne de «moquerie» à l'adresse d'une religion, alors que toute la problématique est ailleurs, à savoir au niveau du corpus et du récit propre aux interprètes et les «moufassiroune», c'est-à-dire ceux qui sont chargés de faire dans l'exégèse en fonction de leur approche et démarche étroite et reflétant leurs fins sordides. À ce propos, il ne s'agit nullement de «moquerie», mais bel et bien d'un travail consistant à ausculter et disséquer toute l'histoire exégétique telle qu'elle a été formulée, usitée et instrumentalisée par ceux qui se prenaient pour les seuls dépositaires d'une lecture, parfois présentée comme sacrée. C'est à ce niveau que la dérive salafiste s'exprime d'une manière manifeste en présentant sa lecture anachronique comme étant le prolongement du sacré immuable et de l'absolu qui ne doit pas être discuté et débattu. C'est cela le fond de l'intégrisme et du fanatisme qui veut que toute pensée qui ne lui ressemble pas et aux antipodes de ses élucubrations est une pensée frappée du sceau de « l'apostasie».L'islamologue Saïd Djabelkhir n'est pas seul dans cette perspective de restitution de la rationalité et de l'esprit tolérant quant à la civilisation arabo-musulmane qui a été assiégée par une clôture dogmatique des plus obscurantistes et nihilistes dans l'histoire de la pensée universelle.