Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales. En marge de la législation sociale et fiscale, elle a souvent échappé à la Comptabilité nationale et donc à toute régulation de l'Etat, encore que récemment, à l'aide de sondages, elle tend à être prise en compte dans les calculs du taux de croissance et du taux de chômage. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur, de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur. L'économie informelle est donc souvent qualifiée de «parallèle», «souterraine», «marché noir» et tout cela renvoie au caractère dualiste de l'économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non-droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place. La formation des prix et des profits dépendent dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère informelle étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition puisque étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Aussi, l'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits, ayant sa propre logique de fonctionnement, qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants d'une vision moniste du droit. L'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique. Dans ce cadre, il serait intéressant d'analyser les tendances et des mécanismes de structuration et restructuration de la société et, notamment des zones urbaines, sub -urbaines et rurales face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent impulsant une forme de régulation sociale. Plusieurs approches peuvent être utilisées pour évaluer l'activité dans le secteur informel. Nous avons l'approche directe ou microéconomique fondée sur des données d'enquêtes elles-mêmes basées sur des réponses volontaires, de contrôle fiscal ou de questionnaires concernant tant les ménages que les entreprises. Elle peut aussi être basée sur la différence entre l'impôt sur le revenu et le revenu mesuré par des contrôles sélectifs. Nous avons l'approche indirecte ou macroéconomique basée sur l'écart dans les statistiques officielles entre la production et la consommation enregistrée. On peut ainsi avoir recours au calcul des écarts au niveau du PIB (via la production, les revenus, les dépenses ou les trois), de l'emploi, du contrôle fiscal, de la consommation d'électricité et de l'approche monétaire. Les méthodes directes sont de nature microéconomique et basées sur des enquêtes ou sur les résultats des contrôles fiscaux utilisés pour estimer l'activité économique totale et ses composantes officielles et non officielles. Les méthodes indirectes sont de nature macroéconomique et combinent différentes variables économiques et un ensemble d'hypothèses pour produire des estimations de l'activité économique. Elles sont basées sur l'hypothèse selon laquelle les opérations dissimulées utilisent uniquement des espèces; ainsi, en estimant la quantité d'argent en circulation, puis en retirant les incitations qui poussent les agents à agir dans l'informalité (en général les impôts), on devrait obtenir une bonne approximation de l'argent utilisé pour les activités informelles. Il faut distinguer trois catégories, le poids de la sphère informelle dans la superficie économique qui dépasse les 50% hors hydrocarbures, le poids au niveau de l'emploi et la masse monétaire hors banques et dans ce cas distinguer les montants spéculatifs avec une intermédiation informelle à des taux d'usure. du capital argent en réserve par les ménages pour leurs achats courants.. Selon les dernières données de la Banque d'Algérie l'augmentation de la masse monétaire M2 est de 17.682,7 milliards de dinars à fin 2020 contre 16.506,6 milliards de dinars à fin 2019. Soit 9,05% hors dépôts des hydrocarbures contre 6,03% à fin décembre 2019, alors que la circulation fiduciaire hors banques est de 12,93%, soit 9.437,6 milliards de dinars à fin 2020 contre 6140,7 milliards de dinars en 2019, 34,73% de la masse monétaire M2 à fin 2020 contre 32,94% à fin 2019. Cela explique que toutes les mesures tant des chèques que de l'obligation de déposer l'argent de la sphère informelle obligatoirement au niveau des banques algériennes qui sont actuellement de simples guichets administratifs, ignorant le fonctionnement de la société algérienne ont eu un impact très limité renvoyant toujours à la confiance et au fonctionnement global de la société. Dans ce cadre, nous avons deux périodes, la période, la première pouvant aller jusqu'en 1963/1987, première crise pétrolière, avec la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l'Etat-providence prônant le plein emploi avec des sureffectifs dans les entreprises publiques. Ensuite la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994 date du rééchelonnement et de l'ajustement structurel, étant toujours dans cette interminable transition ni économie de marché concurrentielle, ni économie administrée expliquant d'ailleurs les difficultés de la régulation politique, sociale et économique. Durant la première période, l'Etat fixe les prix, les salaires, le taux d'intérêt, le taux de change d'une manière administrative. Pour preuve, on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi monopole sur toutes les activités. Comme conséquence des politiques de cette période et cela n'est pas propre à l'Algérie, les pays de l'ex-camp communiste ont connu le même phénomène, nous assistons à l'extension de la sphère informelle où nous avons le prix bas fixé par l'Etat dont bénéficie, une minorité, devant également la rareté de l'offre, nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle au prix du marché donnant des rentes de situation à une frange de monopoleurs issus du secteur d'Etat. Sur le plan externe, les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix et également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l'Etat algérien. Pour la secondé période non achevée, les entreprises publiques subissent des «plans sociaux» qui se traduisent par des dégraissages massifs, et l'enjeu à l'avenir qui sera plus douloureux est l'ajustement social de la fonction publique. Cette période est caractérisée par la libération des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur qui expliquent pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où en économie de marché la fonction de l'Etat régulateur est stratégique. Ce qui explique que l'ouverture anarchique avec une tendance du passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. À cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale, la corruption et les détournements des fonds publics. Un grand nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur (agriculture et industries tant pour la production locale que pour les importations) prend des marges non proportionnelles aux services rendus ce qui fait que le contrôle sur le détaillant ne s'attaque pas à l'essentiel. Or, la sphère informelle contrôle quatre segments-clés: celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile - chaussures ayant un impact sur le pouvoir d'achat de la majorité des citoyens devant analyser les liens entre l'accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie, La lutte contre la sphère informelle implique avant tout l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat elles- mêmes au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective. C''est seulement quand l'Etat est droit et qu'il peut devenir un Etat de droit Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu'ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissements inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation solution de facilité). Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer: exemple des transactions aux niveaux des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. En résumé, toute analyse objective de la sphère informelle doit partir d'une analyse globale. La dominance de la sphère informelle est la résultante de la faiblesse des réformes renvoyant au mode de gouvernance et à l'incohérence de la politique socio-économique ignorant le fonctionnement de la société, expliquent que les mesures bureaucratiques ont eu un impact mitigé.