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Les dernières mesures du gouvernement algérien seront-elles efficaces sans vision stratégique ? (1)
Inflation, corruption et dominance de la sphère informelle
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 01 - 2011

Cette sphère, elle-même hétérogène, contrôlant des segments importants de l'économie utilise de la monnaie fiduciaire (billets de banque) au lieu de la monnaie scripturale ( chèques) ou électronique faute de confiance, favorisant ainsi la hausse des prix, la corruption et, donc, le divorce Etat-citoyens et la détérioration du pouvoir d'achat des Algériens.
1) Comment définir la sphère informelle ?
Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales. En marge de la législation sociale et fiscale, elle a souvent échappé à la comptabilité nationale et donc à toute régulation de l'Etat, encore que récemment, à l'aide de sondages, elle tend à être prise en compte dans les calculs du taux de croissance et du taux de chômage. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur. L'économie informelle est donc souvent qualifiée de «parallèle», «souterraine», «marché noir» et tout cela renvoie au caractère dualiste de l'économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans un cadre de non-droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place.
Pour les économistes, qui doivent éviter le juridisme, dans chacune de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste. La formation des prix et des profits dépendent, dans une large mesure, de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international, la sphère informelle étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle, et, en dernier lieu, leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et des recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition puisqu'étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Aussi, l'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous retrouvant devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants d'une vision moniste du droit. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place, c'est-à-dire des institutions et en Algérie.
L'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique.
Dans ce cadre, il serait intéressant d'analyser les tendances et les mécanismes de structuration et de restructuration de la société, notamment des zones urbaines, suburbaines et rurales, face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent, impulsant une forme de régulation sociale.
Cela permettrait de comprendre que, face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s'exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise, notamment pour l'insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l'économie publique ou de la sphère de l'entreprise privée.
2 ) Quelle est l'évolution de la sphère informelle en Algérie ?
Nous avons deux périodes, la première pouvant aller jusqu'en 1986/1987 avec la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l'Etat-providence prônant le plein emploi par le moyen de sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations pour acheter, du moins temporairement, la paix sociale, date de la crise où les recettes des hydrocarbures se sont effondrées ayant assisté sous la pression des évènements extérieurs à des réformes timides et la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994, date du rééchelonnement et de l'ajustement structurel, étant toujours dans cette interminable transition ni économie de marché concurrentielle ni économie administrée, expliquant d'ailleurs les difficultés de la régulation politique, sociale et économique.
Durant la première période, l'Etat fixe les prix, les salaires, le taux d'intérêt et le taux de change d'une manière administrative. Pour preuve, on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi-monopole sur toutes les activités. Encore qu'avec l'envolée des prix du pétrole ces dernières années, la tentation est grande sous la pression populiste de revenir à l'ancienne période, ce qui serait suicidaire pour l'avenir du pays, montrant d'ailleurs qu'il y a un lien inversement proportionnel entre l'avancée des réformes et l'évolution du cours des hydrocarbures, réformes ralenties paradoxalement lors que le cours est en hausse alors que cela devrait être le contraire si l'on veut préparer l'ère hors-hydrocarbures. Comme conséquence des politiques de cette période — et cela n'est pas propre à l'Algérie, les pays de l'ex-camp communiste ayant connu le même phénomène —, nous assistons à l'extension de la sphère informelle où nous avons le prix fixé par l'Etat bas dont bénéficie une minorité qui, devant également la rareté de l'offre, nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle au prix du marché donnant des rentes de situation à une frange de monopolisateurs issus du secteur d'Etat. Sur le plan externe, les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix, également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l'Etat algérien. Pour la seconde période non achevée, les entreprises publiques subissent des «plans sociaux» qui se traduisent par des dégraissages massifs, et l'enjeu à l'avenir qui sera plus douloureux est l'ajustement social de la fonction publique qui sera inévitable avec la réduction des emplois improductifs.
Cette période est caractérisée par la libération des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur qui expliquent pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où, en économie de marché, la fonction de l'Etat régulateur est stratégique. Ce qui explique que l'ouverture anarchique avec une tendance du passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. Avec la consécration de la convertibilité commerciale du dinar en 1994, les sociétés d'import-export ont ainsi commencé à connaître une prolifération, la majeure partie de ces sociétés ayant été créées soit par des détenteurs de capitaux ou par d'anciens cadres du secteur public en quête de placements à gains à très court terme. Faute d'institutions solides s'adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s'avère peu efficace, sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux, nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l'emploi en crise.
(A suivre)


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