L'affichage et la distribution des derniers logements sociaux suscitent bien des interrogations. En effet, les bénéficiaires de ce dernier, après avoir attendu des années durant pour se voir attribuer finalement un toit, se heurtent actuellement à d'autres problèmes, et pas des moindres. Le logement social à Béjaïa, comme à travers le pays, a déjà fait verser larmes et salives à plus d'un. Quoi que l'on dise, la dernière décennie, et tous les événements qui l'ont secouée, a provoqué l'exode rural et l'installation de plusieurs familles dans les zones urbaines, par mesure sécuritaire. Le chômage aidant, d'autres familles quittèrent villages et hameaux pour s'installer définitivement en ville, où elles espéraient trouver aide et confort. Evidemment c'était compter sans les aléas de l'époque. Actuellement, Béjaïa vit une tension insoutenable en matière de logement social. Les derniers logements attribués après moult aléas ne semblent pas près d'être livrés d'autant plus que les familles qui y résident actuellement, semblent, de leur côté, plus que jamais décidées à appliquer le slogan: « J'y suis... j'y reste...» Nous nous sommes rapprochés de certaines familles résidentes, pour en savoir un peu plus sur cette situation fort embarrassante pour les uns, mais seule issue pour les autres. Hanifa B.: «J'ai eu recours à ce procédé parce que tout simplement, mes multiples demandent de logement n'ont eu aucun écho ni auprès des services concernés, ni auprès des autorités locales. Vous comprenez... j'attends depuis 20 ans. J'ai été chassée par un huissier de justice parce que le propriétaire de la maison où j'avais loué un deux-pièces, voulait vendre son bien, alors que moi et mes enfants n'avions pas où aller. Depuis, je suis une SDF. Ma famille ne pouvant me prendre en charge de façon permanente, je suis obligée de me débrouiller pour mettre mes enfants à l'abri et sous un toit décent. Je comprends, par ailleurs, la réaction des véritables bénéficiaires de ces logements, mais de leur côté ces derniers doivent nous comprendre, si nous avons squatté leurs logements, c'est seulement pour attirer l'attention des concernés sur des cas comme le mien... Nous sommes prêts à quitter ces logements... mais à condition qu'on prenne en considération nos doléances, et qu'on se penche sur nos cas...» Omar, père de famille, la moutarde au nez, et les yeux larmoyants nous dira: «Non je ne quitterai pas les lieux... car tout simplement je n'ai pas où aller. Ce n'est que depuis un mois que mes enfants connaissent ce qu'est qu'un appartement... une cuisine... et particulièrement une salle de bains... vous voulez que je quitte un logement d'Etat pour me retrouver dans la rue... je compatis à la déception des véritables bénéficiaires, mais, il faut qu'ils comprennent que, pour nous, la nécessité l'emporte sur le reste...je sais aussi qu'on pourra nous faire sortir de force, ce qui est tout à fait logique, mais qu'on essaye d'abord de trouver une solution à notre situation... Jusqu'à ce jour, là où nous nous sommes adressés pour une éventuelle prise en charge de nos problèmes, on nous rétorque que les responsables sont soit en congé, soit absents...» Du côté des bénéficiaires, la sonnette d'alarme est tirée. En effet, ces derniers, attribuent la situation à la lenteur administrative, et aux recours qui ont pris plus d'une année à être étudiés - depuis le premier affichage des listes en juillet 2000. «Nous attendons depuis le deuxième affichage des listes en juin 2001», nous dira un bénéficiaire, qui vient de recevoir son arrêté de versement au niveau des services de l'OPGI. « Vous comprenez, l'OPGI a fait son travail, des décisions ont été établies, mais nos logements sont squattés... et personne ne fait quoi que ce soit... Jusqu'à quand... alors que certains d'entre nous attendent depuis 30 ans un logement décent... Nous arrivons enfin à la source... mais...» Mme F.Dalila: «Moi je m'inquiète surtout pour mes enfants, que je dois réinscrire dans les établissements scolaires non loin du lieu de mon logement... mon logement... le mot demeure pour le moment fictif, et vous n'êtes pas sans en connaître les motifs... les choses risquent de dégénérer si les autorités concernées ne font rien pour désamorcer la crise...» Au niveau du quartier Seghir à la nouvelle cité, appellée ironiquement «cité Z'dema», une ambiance de quartier populaire y sévit. Les commerces ayant pignon sur rue ne chôment pas, d'autant plus que plusieurs jeunes y ont déjà aménagé le «coin cigarettes-chemma» et l'espace «trabendo». Cette cité qui vient à peine de voir le jour, connaît déjà cette «image de chez nous». Plusieurs ménagères s'activaient à étendre leur linge sur les balcons ou à arroser des plantes. Des antennes paraboliques sont montées, et des réunions quotidiennes de jeunes et moins jeunes se tiennent tous les soirs au seuil des immeubles donnant cette impression d'un provisoire qui dure pour tous ces «squatters» qui savent pourtant que ces logements, ne sont pas à eux. Espérons que cette situation trouvera une issue favorable afin de ne pas léser les bénéficiaires, ni froisser l'amour-propre de ceux qui s'estiment en droit d'avoir un toit. Pour ces derniers, le message est très clair... A bon entendeur.... salut. Le logement en Algérie n'a connu un essor sérieux qu'au début des années 70 où après dix années d'indépendance, la famille algérienne, nombreuse comme il se doit, commence à souffrir du manque d'espace et à s'intéresser aux nouvelles données des constructions modernes, fort bien équipées et plus confortables. La démographie galopante incitera l'Etat à construire en un temps record, des cités CRS ou HLM, c'est-à-dire l'habitation à loyer modéré. Là encore, le modèle des bâtiments prendra le dessus. C'était la quantité qui primera sur la qualité... construire plus, encore plus, au détriment de l'esthétique et de l'environnement. Malgré tout, des villages et des villes commençaient à poindre, et le logement social provoquera la ruée d'une population rurale constituée particulièrement de couches moyennes au revenu modeste. Trente années plus tard, l'Algérie se trouvera coincée entre une démographie galopante et un déficit en matière de logement, que le modernisme ne fera qu'accentuer. Si la classe bourgeoise de la population n'a trouvé aucun mal à obtenir des terrains et à construire son habitation selon des normes de l'architecture moderne, et en un laps de temps très court, les couches faibles et moyennes, elles, se heurtent encore, soit aux problèmes bureaucratiques, soit au manque de moyens financiers pour l'obtention d'un toit décent.