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Une histoire d'huile de table
Rixes, spéculation et razzia
Publié dans L'Expression le 24 - 03 - 2021

Une dizaine de citoyens sont en train de se «battre» dans un supermarché. Nous ne sommes pas aux Etats-Unis, à l'occasion des mégapromotions du «black Friday», mais à Sétif pour l'arrivée de... l'huile de table! Ces images qui ont fait le tour des réseaux sociaux résument à elles seules la tension sur ce produit de première nécessité, qui touche le pays depuis plusieurs semaines. Surtout que Sétif n'est pas un cas isolé! C'est la ruée vers l'huile à travers les quatre coins du pays, notamment durant les deux derniers jours! Lundi dernier, le ministre du Commerce a tenté d'«éteindre» l'incendie. Accompagné du premier producteur d'huile du pays, Kamel Rezig a organisé un coup de communication qui devait diminuer la tension sur ce produit. Surtout que cela coïncidait avec une opération de grands achalandages du marché en cette matière essentielle pour les foyers. Les supérettes et autres magasins d'alimentation générale avaient reçu leurs «quotas» après plusieurs jours de disette. Mais ce fut un coup de «Com'» qui s'est vite transformé en coup de... poing. L'arrivée de ce liquide devenu précieux a provoqué des rixes. Les magasins ont été pris d'assaut par des citoyens en furie. Certains ont même dû baisser rideau pour éviter la catastrophe. Une supérette dans la banlieue d'Alger, qui avait annoncé sur sa page Facebook «l'événement» du débarquement d'une grosse quantité d'huile, s'est vite retrouvée débordée. Elle s'est organisée pour la circonstance en consacrant une caisse spéciale à cet effet avant que les clients ne soient invités à faire la chaîne dans le dépôt pour récupérer leur «trésor». Les «affrontements» se sont évidemment poursuivis à l'entrée de la réserve. Une scène que l'on croirait sortie tout droit d'un film de la seconde Guerre mondiale à l'époque de la grande famine!
En flagrant délit de pénurie
Cela est d'autant plus frappant que les rayons dédiés à ces produits, dans la majorité des magasins du pays, sont vides! Ils ont tous été dévalisés en quelques minutes!
Ce qui montre que la crise de l'huile ne fait que commencer! Certains consommateurs ont leur part de responsabilité dans cette pénurie qui pointe le bout de son nez. Ils font preuve d'une inconscience, pour ne pas dire d'un égoïsme flagrant! On a encore eu droit aux fameux caddys pleins à craquer, de bidons d'huile. 5, 10, 20...bouteilles dans les mains, ils ont été pris en flagrant délit de pénurie. Même le ministre du Commerce a partagé, sur son compte twitter, une image de ce «crime». On est face à une situation qui nous rappelle amèrement l'épisode de mars dernier avec les spéculations et les rumeurs autour de la semoule, ce qui avait fini par provoquer une rupture due à une demande exceptionnelle. Beaucoup d'Algériens craignent de revivre ce cauchemar. La sortie de Rezig et les déclarations de Rebrab ne semblent pas les avoir convaincus. Car, sur le terrain, les choses ne sont pas aussi belles que ce qu'ils «chantent». Il y a bel et bien un problème autour de ce produit. Les commerçants sont unanimes à dire qu'ils sont «rationnés» dans les quantités qu'ils reçoivent. «On ne reçoit pas les mêmes quantités qu'avant et pas au même rythme», assure un épicier de la capitale. «Les petits commerces de quartiers sont limités à 5 ou 10 bidons de 5 litres par livraison», ajoute-t-il dénonçant le fait que certains distributeurs tentent même d'imposer la vente par concomitance. «On nous oblige à prendre une quantité bien définie des bouteilles d'huile, non subventionnée, pour avoir nos contingents», témoigne-t-il.
Ne pouvions-nous pas éviter cette crise?
Pis encore, d'autres commerçants révèlent qu'ils ne sont pas tous égaux dans la distribution. «Certains gros bonnets aux forts moyens financiers ont les quantités qu'ils veulent. Ils sont même favorisés alors que nous on nous limite à des quantités qui ne suffissent même pas à notre propre consommation», attestent-ils. Une situation inédite qui favorise la tension et les spéculations. Un marché noir de l'huile est même en train de naître. D'ailleurs, les services de sécurité ont saisi, ces derniers jours, de grosses quantités stockées par la mafia de la spéculation. Même des petits citoyens ont décidé de jouer aux apprentis spéculateurs. Il y en a qui achètent de grosses quantités et qui les revendent aux voisins, amis et même sur les réseaux sociaux, monnayant une certaine marge. Il y a également des magasins «légaux» qui ont augmenté de façon fulgurante les prix des huiles, codifiés par l'Etat. Une situation dramatique qui nous replonge dans une époque que l'on pensait révolue. Mais ne pouvions-nous pas l'éviter? Depuis le début de l'année, la crise commençait à se faire ressentir. Les associations de protection des consommateurs avaient même tiré la sonnette d'alarme. Un premier «épisode» avait eu lieu dans l'est du pays au début du mois. Mais au lieu d'anticiper les choses, la tutelle et les producteurs se sont «murés» dans de fausses excuses et promesses. Ce n'est pas en «visitant» des supérettes qu'on gère les crises...


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