Le chef de la police nigériane a appelé mardi à «détruire jusqu'au dernier homme» le groupe séparatiste biafrais après l'attaque spectaculaire d'une prison dans le sud-est du Nigeria, qui a permis à plus de 1.800 détenus de s'évader. L'inspecteur général de la police, Muhammed Adamu, en visite sur les lieux de l'attaque avec le gouverneur de l'Etat d'Imo, a ordonné aux services de sécurité «d'utiliser leurs armes contre les membres de l'Ipob (Indigenous People of Biafra) et de les détruire jusqu'au dernier homme». Les tensions restent fortes entre les groupes sécessionnistes biafrais - qui réclament un Etat indépendant dans le sud-est du Nigeria - et le pouvoir central nigérian, 50 ans après la terrible guerre civile du Biafra (1967-1970) qui a fait près d'un million de morts, en majorité issus de l'ethnie igbo. Lundi déjà, la police nigériane avait directement imputé cette attaqué à l'Ipob, qui a démenti toute implication, qualifiant ces accusations de «mensongères» et «fallacieuses». «Ce n'est pas notre mission d'attaquer les services de sécurité ou les prisons», a assuré Emma Powerful, leur porte-parole, dans un communiqué. Dans la nuit de dimanche à lundi, des hommes armés ont pris d'assaut un commissariat d'Owerri, dans l'Etat d'Imo, pillant de nombreuses armes, et ont ensuite fait exploser la porte principale du centre pénitentiaire, permettant à 1.844 détenus de s'enfuir, dans ce qui est la plus grande évasion de l'histoire moderne du Nigeria. Dans les vidéos de la visite officielle, on peut distinguer des dizaines de véhicules totalement incendiés et des bâtiments saccagés. Bien que les autorités aient appelé la population à «continuer à vaquer à ses occupations» et assuré contrôler la situation, les riverains craignaient de sortir de chez eux, notamment de peur des représailles des autorités. «Les équipements de la police et de l'armée ont été entièrement détruits et vous me demandez s'il y a de l'appréhension?» à propos de ce qu'il va se passer ensuite, demande George Onyemuwa, un habitant. «Les gens ont peur des représailles, donc moi je prends mon temps» avant de sortir de chez moi, explique-t-il. »Il y a beaucoup d'appréhension et pas seulement à Owerri, mais dans toutes les villes autour», raconte un journaliste local, Damian Duruiheoma. «Beaucoup ont peur que les détenus aillent se venger sur ceux qui les ont conduits en prison et les autres ont peur des représailles» des forces de sécurité contre la ville, poursuit-il. Fin janvier, des violences avaient éclaté à Owerri entre l'armée et des communautés locales, accusées de soutenir les indépendantistes, faisant au moins un mort et de nombreux dégâts. L'Ipob affiche toujours des velléités séparatistes et a récemment publié des vidéos très impressionnantes d'une nouvelle milice, baptisée «Réseau sécuritaire de l'Est» (ESN), dans lesquelles on peut voir des dizaines, voire des centaines de combattants à l'entraînement. Les militants de l'Ipob affirment «protéger les communautés et les villages des éleveurs nomades peuls», venus du nord du pays, et se défendent d'être le bras armé de la mouvance indépendantiste, ce qui les désignerait directement comme des séparatistes armés. Lundi, le président Muhammadu Buhari n'a pas désigné l'Ipob comme responsable de cette attaque, mais a qualifié ses auteurs de «terroristes» et «d'anarchistes». Le système judiciaire nigérian est particulièrement lent, et plus de 70% des détenus attendent leur procès. Des milliers d'entre eux croupissent derrière les barreaux des prisons, à travers le pays.