Le spectre du Biafra refait surface au Nigeria, le géant africain aux pieds d'argile. Plus de trente ans après la défaite des rebelles partisans d'une République du Biafra, les schillings et les livres biafrais circulent dans cette région du sud-est du Nigeria où avait sévi une terrifiante guerre civile de 1967 à 1970, provoquée par la proclamation de son indépendance. Le retour de la monnaie de cette page noire du Nigeria est considéré par les observateurs comme le dernier signe visible des tensions qui menacent le plus gros exportateur africain de pétrole. L'apparition de ces billets, qui ont remplacé le naira-la monnaie nigériane-est symbolique de la détestation que nourrit cette région à l'égard du pouvoir central. La facture de la sécession du Biafra a été très lourde, plus d'un million de morts parmi les Ibos originaires de la région et dont beaucoup rêvent encore d'indépendance. Avec 40 millions de personnes, les Ibos constituent l'un des trois groupes les plus importants avec les Hausas et les Yorubas de ce pays le plus peuplé en Afrique (150 millions d'habitants) et composé de plus de 250 groupes ethniques et linguistiques. Les leaders séparatistes ibos affirment qu'ils ne reprendront pas les armes, mais qu'ils veulent aller vers une autonomie croissante grâce à un programme en 25 étapes, l'une d'entre elles étant la réintroduction de la livre. À Owerri et Onitsha, où se déroule le plus gros marché de l'Afrique de l'Ouest, les livres et les schillings s'échangent à un taux d'une livre pour 270 nairas ! Le Mouvement pour la réalisation de l'Etat souverain du Biafra (Massob) a remis en circulation les billets stockés à la fin de la guerre et annonce d'en émettre d'autres face au succès de l'opération. Le pouvoir fédéral que dirige Obasanjo, un ancien général des forces loyalistes ayant combattu dans la guerre du Biafra, a réagi : de nombreux activistes du Massob sont sous les verrous et certains risquent de lourdes peines pour trahison. Des organisations locales et internationales des droits de l'Homme ont dénoncé le fait que des indépendantistes ont été torturés et tués par la police et les services de sécurité de l'Etat. D. B.