L'artiste qui n'a pas exposé en Algérie depuis 1992, revient ce jeudi présenter ses oeuvres récentes... C'est la première fois depuis 13 ans qu'Ali Silem, qui vit et travaille actuellement en France, expose dans son pays, l'Algérie. Sa peinture qui descend forcément de l'école du signe, est un foisonnement de couleurs et de gestualités enchevêtrées. Nourrie de réminiscence, et surtout de mythe, l'oeuvre récente tout aussi sans doute l'ancienne, requiert ainsi de l'attention. «La non-identification des choses de façon immédiate, voilà ce qui m'intéresse», confie cet artiste. Ali Silem, l'oeil aiguisé, esquisse un sourire malin pour signifier son travail réfléchi qui interroge «la profondeur des choses pour revenir jusqu'à cette ressource originelle». Abstraite, sa peinture est ornée de croissants de lune notamment, un signe qui prédomine et qui, selon lui, est à dénoter, non du côté de l'Islam mais bien dans l'antériorité de l'espace et de cette civilisation. En effet, le croissant de lune, explique-t-il, peut-être discernable dans toutes les armoiries en France, « le croissant c'est Astarté qui est le symbole de la lune, l'alter ego de Tanite». Symbole millénaire dans toutes les civilisations, la lune, faut-il le noter, est employée effectivement dans le Coran. Les phases de la lune et le croissant évoquent la mort et la résurrection. L'Islam même est assimilé à un mythe par Silem. «Aujourd'hui, on tente de l'interpréter de différentes manières. On en parle beaucoup...» Très imprégné des mythes, Ali Silem fait aussi référence au mythe du phénix, Simorgh dans ses tableaux. «La civilisation perse nous a donné un mythe supérieur qui est celui de Simorgh. Un oiseau qui se transcende, qui va au-delà de ses forces». Des métaphores lourdes de sens a fortiori quand l'artiste avoue que ces mythes fécondent notre quotidien, la société et notre présent. C'est ainsi que l'artiste peint, sans le savoir, l'espoir de ce renouveau qui renaît de ses cendres après avoir été contraint à s'exprimer sous d'autres cieux. N'est-ce pas le cas dans ce titre évocateur «Cri de l'absent»? Structurée en 33 oeuvres, l'exposition d'Ali Silem dont le vernissage public aura lieu aujourd'hui, à 15h, à la galerie Arts en liberté, est déclinée en deux catégories. Une partie des oeuvres en grand format et l'autre en miniature dévoilant notamment une succession de tableaux sous le thème «Etude pour un mawsam». Encore un voyage au fin fond de son inconscient imagé et son imaginaire aux couleurs du printemps. «Je me souviens, enfant, la sortie du printemps en Kabylie, ma mère qui cueillait tout au long du chemin des plantes et nous préparait le soir du couscous...» Avec de l'amylique, Ali Silem couche sur ses toiles sa poésie rythmée au gré d'une nature, une sensibilité, un nom et un bagage tellement lourd qu'on oserait le déplier... Ayant déjà travaillé sur le désert, Ali Silem nous tend un livre de bibliophilie qu'il a cosigné avec le poète Djamel Eddine Bencheikh dans les années 1990. Désert où je fus, un superbe livre où la peinture se fait accompagnatrice de textes poétiques. Réalisé de façon artisanale, faut-il le noter et ce, à la manière de Gutenberg, cet ouvrage a été tiré à environ 30 exemplaires, ce qui est énorme s'agissant de peinture, car l'oeuvre est en soi unique. Estampées minutieusement, les gravures ont été aussi reproduites de façon à réinterpréter magistralement les textes. Un vrai travail d'orfèvre! A ne pas rater le vernissage de l'expo, ce jeudi, qui s'étalera jusqu'au 18 mai.