A gauche comme à droite, le projet est très critiqué. Plus de 460 organisations réunies dans le Collectif Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij) appellent à une journée d'action, samedi, pour protester contre le projet de loi sur l'immigration choisie que présentera à l'Assemblée le ministre de l'Intérieur le 2 mai prochain. Le collectif dénonce le texte de Nicolas Sarkozy, estimant qu'il ne «privilégie que quelques talentueux et compétents» et attaque lourdement «les droits de la personne pour la majorité des étrangers». Ces organisations ont, d'ailleurs, décliné une invitation du ministre de l'Intérieur car «la rédaction du texte est déjà bouclée», le dialogue n'a donc plus lieu d'être. Une cinquantaine d'associations chrétiennes ont également lancé un appel contre le projet sur l'immigration choisie, dénonçant «la perspective utilitaire» dans laquelle s'inscrit la réforme Sarkozy et le «recul des droits liés au respect de la vie de famille et à l'accueil des demandeurs d'asile». A gauche, le projet est également très critiqué alors que son promoteur de droite est ouvertement accusé de «braconner sur les terres de l'extrême droite». Forts des dividendes de la mobilisation contre le CPE (contrat première embauche) que le gouvernement De Villepin a été contraint de retirer, les partis de gauche - socialistes, communistes, verts et divers ...- tentent de resserrer les rangs et multiplient les rencontres en vue d'une stratégie électorale efficace. Pour l'instant, on n'en est pas là mais le projet de loi sur l'immigration constitue une carte à partager contre l'offensive de Sarkozy. Laurent Fabius, du PS, accuse ce dernier de «monter une opération de diversion lamentable» pour escamoter la difficile situation économique et sociale des Français. Comme d'autres de ses camarades, Fabius, campagne électorale oblige, se dit favorable à la régularisation des sans-papiers. Réagissant à des propos du ministre de l'Intérieur, François Hollande, secrétaire général du PS, a fustigé «les mots de Le Pen» qu'utilise Sarkozy contre les étrangers. Les derniers mots en date sont, de l'avis de toute l'opposition, empruntés au lexique du Front National. Devant des militants de son parti, Sarkozy avait déclaré: «Si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter». Aussitôt, levée de boucliers dans le camp adverse qui parle de xénophobie et de dérive extrémiste. S'il est un fait que l'immigration a, depuis longtemps, servi les campagnes électorales en France, l'islamophobie, publiquement affichée, est de création plus récente. Dans un étrange ouvrage intitulé «Les mosquées de Roissy», Phillippe de Villiers, chef d'un petit parti de l'extrême droite, veut faire croire à ses compatriotes que, dans les aéroports français, des réseaux terroristes islamistes sont en embuscade pour semer la mort. La conclusion que l'auteur voudrait imposer à la lecture de ce livre dont les informations ont, pour la plupart, été réfutées par les services de renseignement et par les syndicalistes, est, bien entendu, la menace que représentent arabes et musulmans en France. De Villiers ne cache pas ses opinions à ce propos et il a ouvertement affirmé que l'Islam n'est pas compatible avec la République. Ce à quoi le porte-parole du PS a rétorqué: «C'est de Villiers qui n'est pas compatible avec la République». Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman, comme tous les musulmans français, s'est insurgé contre cet amalgame entre Islam et intégrisme islamiste et a demandé la vérité sur ces accusations d'infiltrations terroristes. C'est dire dans quelle ambiance surchauffée par la perspective électorale et par une remontée de la xénophobie ( 63% des Français estiment qu'il y a trop d'étrangers dans leur pays, selon un sondage de septembre 2005), se discutera le projet sur l'immigration choisie et «non subie» selon ses promoteurs.