Les Etats-Unis adoptent la stratégie dite de la guerre «par alliés interposés». Le Quadrennial Defense Review (QDR), document publié en février dernier par des responsables militaires et civils de haut rang du ministère de la Défense des Etats-Unis, évoque, sans les nommer, le rôle de pays, comme l'Algérie, intégrés dans la nouvelle stratégie américaine de lutte contre le terrorisme transnational en les impliquant directement dans des plans d'action. Selon Jim Fisher-Thompson, rédacteur du Washington File, de plus en plus fréquemment, «les stratèges du Pentagone mènent la lutte contre le terrorisme international de façon indirecte par le biais de partenariats avec des acteurs régionaux portant sur la sécurité». En effet, ils ont constaté que des opérations telles que la «Combined Joint Task Force Horn of Africa» ou CJTF-HOA (Force militaire combinée pour la Corne de l'Afrique) sont le moyen le plus efficace de tirer le meilleur parti possible de ressources militaires américaines dont la disponibilité est limitée par les conflits en Irak et en Afghanistan. Tout comme l'efficacité évoquée par d'autres responsables militaires du plan dit Pan-Sahel Initiative, qui vise la sécurisation de la région sahélo-maghrébine, et dont l'Algérie est la pièce-maîtresse, a été à maintes reprises mise en exergue. Le QDR, est désormais devenu un guide qui doit permettre aux forces militaires américaines de se réadapter avec souplesse afin de pouvoir répondre aux défis que présente le terrorisme international après les attaques du 11 septembre 2001. Il présente une stratégie pour les quatre prochaines années, le prochain QDR devant être réalisé en 2010. La stratégie repose en partie sur une utilisation plus fréquente de forces spéciales, ainsi que sur des forces conjointes combinant la puissance aérienne et navale et travaillant en collaboration avec les forces régionales, de façon à combattre les terroristes dans les diverses régions d'Afrique subsaharienne, notamment au Sahel et dans la Corne de l'Afrique. «Le recours à la puissance militaire, de façon discrète, est devenu l'un des éléments clés de la politique américaine en Afrique à la suite des attentats terroristes d'août 1998 qui ont détruit les ambassades des Etats-Unis au Kenya et en Tanzanie», a observé M.Herman Cohen, l'ancien secrétaire d'Etat adjoint aux affaires africaines et, aujourd'hui, directeur de la société de consultants Cohen and Woods International. «Cette stratégie, consistant à collaborer avec des partenaires régionaux en Afrique de l'Est sur des dossiers d'intérêt sécuritaire mutuel, revêt une grande importance pour les Africains aussi bien que pour nous, étant donné qu'ils auraient beaucoup à perdre de l'implantation de mouvements tels qu'Al Qaîda», a-t-il déclaré . De plus, a-t-il dit, «nos relations militaires et politiques avec des alliés comme le Royaume-Uni et la France au sujet de l'Afrique se sont améliorées et nous réussissons de mieux en mieux, à tous les niveaux, à coordonner les opérations militaires et de maintien de la paix dans ce continent». La CJTF-HOA est un bon exemple de l'application de cette stratégie en Afrique. Une force conjointe de quelque 1300 soldats, marins, marines et aviateurs est stationnée dans une ancienne base de la Légion étrangère à Djibouti, où elle travaille à «priver les terroristes potentiels d'un asile sûr, d'appui extérieur et d'aide financière», selon le site d'Internet Global Security.org. La CJTF-HOA a la responsabilité du Kenya, de la Somalie, du Soudan, de l'Erythrée, de Djibouti, de l'Ethiopie, du Yémen et de la péninsule arabe. Son commandement, au camp Lemonier, a aussi participé à la formation de plus d'un millier de soldats appartenant aux forces régionales de sécurité. Outre le personnel militaire, il emploie des sous-traitants civils; il a entrepris des opérations de déminage et s'est livré à la rénovation de 33 écoles, de 8 dispensaires et de 5 hôpitaux. Les activités de la CJTF-HOA couvrent de vastes zones, mais les unités qu'il utilise pour les mener à bien sont de petite taille, illustrant parfaitement la façon d'utiliser efficacement des forces pour des opérations diverses, indique le QDR. Les personnels militaire et civil travaillent en association avec des responsables de pays alliés pour assurer la formation en matière de sécurité, accomplir des travaux publics et mener à bien des projets liés à l'aide médicale. L'autre programme du ministère de la Défense en Afrique que mentionne le QDR est la «Trans-Saharan Counter-Terrorism Initiative» (TSCTI, Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme), «une opération portant sur plusieurs millions de dollars couvrant dix pays qui a été couronnée d'un certain succès lorsqu'il s'agit de lutter contre les terroristes se trouvant dans la région du Sahel», précise le document. «Disposer de troupes sur place» est bel et bien la nouvelle stratégie adoptée par Washington pour endiguer les menaces loin, très loin de leur sol, en s'appuyant sur les moyens des pays alliés et faisant la guerre de façon continue à moindre coût et à moindre perte.