Le concept de guerre ne cesse de s'élargir avec les différents types de conflits connus de par le monde. On a eu droit à une panoplie d'appellations toutes aussi dif-férentes les unes des autres, en fonction des acteurs engagés, de leur proximité et de la nature du différend supposé les opposer. Cette fois, le Pentagone vient d'introduire une nouvelle notion en officialisant dans une directive l'importance stratégique qu'il donne à la « guerre irrégulière » l'opposant à des insurgés et des terroristes, au même plan que la « guerre conventionnelle » entre Etats. Ce document, signé, lundi, par le vice-secrétaire à la Défense, Gordon England, déclare que « la guerre irrégulière est stratégiquement aussi importante que la guerre traditionnelle », et affirme la nécessité d'« améliorer les compétences (du Pentagone) en matière de guerre irrégulière ». Ce type de conflit recouvre les activités de contre-terrorisme, de contre-insurrection, ainsi que les « opérations de stabilité » dans des « pays fragiles », désormais définies comme une « mission clé ». La directive préconise de « maintenir des capacités permettant au département de la Défense d'être aussi efficace en matière de guerre irrégulière qu'en matière de guerre conventionnelle ». Parmi les missions assignées dans cette directive de 12 pages, Washington doit notamment s'efforcer de renforcer les capacités militaires des pays partenaires, soutenir les nations menacées par des adversaires « irréguliers » ou encore « créer un environnement stable et sûr dans les Etats fragiles » afin d'empêcher la formation de sanctuaires extrémistes. Cette directive formalise un changement déjà largement amorcé sur le terrain, à la lumière des leçons tirées depuis 2001 des conflits en Irak et en Afghanistan. « Cela codifie les rôles et les responsabilités », a commenté un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman. Cette réorientation avait déjà été formulée à l'été 2008 dans un document officiel intitulé « Stratégie de la défense nationale », approuvé par le secrétaire à la Défense, Robert Gates. « A l'avenir, gagner la guerre irrégulière contre les mouvements extrémistes et violents sera l'objectif central des Etats-Unis », soulignaient les auteurs de ce rapport. Dans la revue Affaires étrangères, datée de janvie/février, M. Gates défend cette nouvelle stratégie, désapprouvée par certains militaires qui s'inquiètent d'un déclin potentiel de la suprématie conventionnelle de l'armée américaine à l'heure de la montée en puissance militaire de pays comme la Chine ou la Russie. « Nous ne devons pas nous focaliser sur la préparation à de futurs conflits conventionnels au point de négliger de fournir toutes les capacités nécessaires pour gagner le type de guerre menée actuellement par les Etats-Unis », écrit-il, en recommandant d'y consacrer un budget suffisant. Un rapport du commandement inter-forces américain sur les défis militaires des 25 prochaines années, publié jeudi, avertit également que les Etats-Unis devront sans doute faire face à un vaste spectre de conflits. « D'ici les années 2030, les forces armées américaines se retrouveront presque certainement engagées au combat, soit dans un conflit régulier ou dans une série de guerres de contre-insurrection », estime ce rapport, qui suggère de se tenir prêts à combattre sur les deux fronts. « Les difficultés d'entraînement à des menaces de type conventionnel et nucléaire ne doivent pas mettre au second plan la nécessaire préparation pour mener une guerre irrégulière, comme cela s'est produit après la guerre du Vietnam », période à laquelle les Etats-Unis ont arrêté de se préparer à la contre-insurrection pour privilégier une approche traditionnelle, en pleine période de guerre froide. Ce qui laisse clairement sous-entendre que les Etats-Unis entendent prendre de l'avance en ce qui concerne ce qu'on appelle communément les guerres du futur, à supposer qu'elles ne soient pas déjà engagées comme celle d'Afghanistan où l'armée américaine, avec ses alliés, tente sans succès jusque-là de réduire une insurrection ou plus clairement une opposition armée. Ce qui n'est pas une guerre de type conventionnel. Encore faut-il aussi que les critères arrêtés par l'administration américaine soient réellement partagés. La liste américaine n'est pas celle des autres pays de la planète.