Mme Ouzegane évoque la nécessité de lancer un véritable débat sur le travail de mémoire en Algérie. L'Association nationale contre la torture et les disparus durant la guerre de Libération nationale (Verdict) organise le premier colloque international sur le passé colonial en Algérie. Intitulée «Travail de mémoire et enjeux», cette manifestation de portée historique intervient à un moment où le débat sur la présence française en Algérie est «chahuté» par des déclarations de politiques français qui veulent dénaturer la vérité historique en insistant sur les aspects «positifs» de la colonisation française en Algérie. Le président de la République et l'ensemble des acteurs politiques nationaux ont répondu aux propos des Le Pen, de Villiers et autre Douste-Blasy. Cela dit, le débat, actuellement surpolitisé, gagnera à être appuyé par des interventions d'historiens qui, contrairement à la sphère politique, privilégient le fait historiquement établi. Une contribution majeure à un débat qui mériterait d'être centré sur les véritables enjeux qui tournent autour de la volonté de l'occultation de l'histoire dont font montre certains hommes politiques français. Mme Ouzegane évoque, pour L'Expression, la nécessité de lancer un véritable débat sur le travail de mémoire et insiste fortement à ce que ce travail se fasse prioritairement en Algérie. Eoutons-là. L'Expression: Mme Ouzegane, vous préparez le premier colloque sur la mémoire en Algérie. En quoi consiste ce colloque? Mme Fettouma Ouzegane: L'association qui organise ce colloque existe depuis 2001. Nous avons à notre actif plusieurs manifestations. Aujourd'hui, nous estimons que la conjoncture est favorable pour la tenue de notre colloque. Les récents événements survenus sur la scène politique font ressortir la nécessité d'un travail sur la mémoire en Algérie. Cet important aspect de la vie de la nation a été occulté depuis 40 ans. Justement ce colloque intervient à un moment où la question de la torture pratiquée par l'armée coloniale fait débat, tant en Algérie qu'en France. A quel niveau votre initiative contribue à l'enrichissement de ce débat? Le colloque va rapporter beaucoup, notamment en Algérie même, pour la simple raison que malgré l'existence de nombreuses associations qui activent dans le champ de la mémoire, un véritable débat ne s'est pas encore instauré chez-nous. Ce n'est pas le cas, de l'autre côté de la Méditerranée, où le mouvement associatif est plus libre. Depuis quelques années, les associations algériennes sont plus libres, d'où l'organisation du colloque qui, je tiens à souligner, bénéficie du soutien du ministère des Moudjahidine. Cette absence de débat en Algérie est surtout un problème de communication. Pour preuve, beaucoup d'historiens algériens ont fait un travail admirable sur la question, mais l'absence de relais a fait que le travail de mémoire ne s'est pas fait convenablement. Le colloque que nous organisons a pour objectif de combler ce vide. C'est pour cela que je suis convaincue que le mouvement associatif et ces historiens seront des partenaires efficaces, pour permettre à tous ceux qui n'ont pas pu avancer dans la recherche de la vérité historique de trouver réponse à leurs interrogations. Parmi les intervenants à votre colloque, l'on constate une seule personnalité française, en la personne de Benjamin Stora. Tous les autres sont Algériens. Est-ce dû au fait que des historiens français ont décliné votre invitation ou est-ce un choix délibéré de votre part? Le constat est effectivement à faire. Je dois dire qu'avant de me lancer dans l'organisation du colloque, je n'avais pas une idée exhaustive de la sphère scientifique travaillant sur cette question précisément. Nous avons contacté M.Stora et un autre historien français. Si le premier a confirmé sa participation, le second a, par contre accepté, avant de décliner l'invitation. Il est évident que l'intrusion du politique dans l'histoire algéro-française en France est derrière sa résistance. Cela dit, au-delà de cet aspect, qui est tout de même important, je dois dire qu'en prospectant en Algérie, j'ai fait de très intéressantes rencontres avec des historiens algériens qui se sont profondément intéressés au travail de mémoire. Je suis convaincu que leurs contributions au colloque seront grandement appréciées. Aussi, l'une des fonctions fondamentales de la manifestation que nous organisons est de donner leurs chances à nos chercheurs en histoire, pour qu'il puissent retrouver la place qui leur est due.