L'historien Benjamin Stora appelle les politiques français à reconnaître les crimes coloniaux. Intervenant lors du colloque international « Travail de mémoire et enjeux », organisé hier à Alger par l'association nationale Verdict, M. Stora a déclaré : « Les Français doivent assumer le passé colonial. » « La classe politique française doit faire un geste et reconnaître tout ce qui a été fait à la population algérienne pendant la période coloniale », a-t-il poursuivi. Qualifiant le 8 mai 1945 d'un « jour sombre pour l'Algérie », M. Stora a tenté d'expliquer les raisons du retour de la question coloniale en France. Tout en la liant au vote de la loi du 23 février 2005 sur le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, le conférencier a donné trois raisons à la montée de ce néocolonialisme. D'abord, il y a la notion d'« empire colonial » qui a fait son retour depuis l'invasion de l'Afghanistan. Ensuite, il y a ce désir des nouvelles générations émigrantes de rechercher l'histoire de leur pays pour mieux comprendre le présent dans lequel elles vivent. Enfin, M. Stora a parlé du retour des figures historiques sur la scène politico-médiatique algérienne. Il a évoqué « les mauvaises mémoires » qui, selon lui, « ne veulent pas regarder de face ce qui s'est passé pendant l'occupation française ». Mais il a précisé que ce n'est qu'une partie de la société française, rappelant que beaucoup de Français étaient contre la guerre de libération nationale. M. Stora a attesté que les plus graves dépassements pendant la guerre d'indépendance ont été l'œuvre de la police française. Il a cité l'exemple des 3022 disparus de la guerre d'Alger qui ont été jetés dans la mer. M. Stora a souligné que ce fait, comme d'autres, est connu et reconnu par l'Etat français. Il ne s'agit pas donc, a-t-il expliqué, d'établir les faits ou d'entreprendre un travail. Le conférencier trouve que ce que fait actuellement la classe politique française est d'« entrer dans le débat sous une forme amnésique en disant que c'est aux historiens d'écrire l'histoire. Comme s'il s'agit de faits non avérés ». Cela, selon lui, ne fait que fausser la partition. M. Stora a insisté sur la nécessité de continuer le travail de mémoire. Selon lui, l'accès aux archives coloniales et postindépendance est important même s'il faut se battre pour le faire. « On va trouver sûrement des choses », a-t-il indiqué, précisant que la loi du 23 février n'est pas une « obsession » partagée par l'ensemble des historiens français, mais elle est plutôt l'instigation d'un seul groupe. L'historien Fouad Soufi a évoqué, de son côté, le rôle des moudjahidine dans l'écriture de l'histoire. Il a estimé que, pour faire face au néocolonialisme, il faut qu'il y ait un véritable travail de mémoire. Mme Bitat, veuve de Rabah Bitat, a exprimé sa colère contre ceux qui continuent à entretenir le flou sur des faits avérés de l'histoire. Pour sa part, Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, a souligné l'importance de la commémoration du 8 mai 1945. Pour lui, cette date « était derrière la naissance d'une génération littéraire tels que Malek Haddad, Kateb Yacine, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib... ».