Le président Macron n'était pas absent à la commémoration des massacres du 8 Mai 1945, à Sétif. Cette ville a été désignée par les autorités centrales du pays pour accueillir la cérémonie officielle de cette commémoration. Le président français y a dépêché l'ambassadeur de son pays, François Gouyette, pour marquer la date du 8 Mai 1945, au nom de la plus haute autorité française, à savoir la présidence de la République. François Gouyette a déposé au pied de la stèle représentant le premier martyr des massacres à Sétif, le jeune Saal Bouzid, une gerbe de fleurs bardée d'un ruban tricolore où l'on pouvait lire «Le Président de la République française». Le geste est on ne peut plus significatif. Et pour cause, l'on sait de source sûre, que le déplacement de l'ambassadeur à Sétif a été une initiative personnelle et en qualité de premier responsable de l'Hexagone, du président Macron. Intervenue dans un contexte particulier où les lobbies anti-Algérie ont redoublé de férocité, jusqu'à réussir à brouiller les cartes du partenariat entre les deux pays, l'attitude d'Emmanuel Macron dénote un courage politique et moral, ainsi qu'une réelle volonté de ne pas céder aux pressions des lobbies. En effet, la France aurait pu se satisfaire d'un communiqué ou d'une déclaration de son ambassadeur à Alger, compte tenu du contexte de l'heure. Mais à contre-courrant d'une pensée persistante dans certains cercles français d'influence, le président Macron a tenu à ce que son pays maintienne le plus haut niveau de représentation dans l'acte de commémoration des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. Il a déjà, par le passé, qualifié ces événements de crime d'Etat et aujourd'hui, malgré une conjoncture, pour le moins, compliquée, il s'est fait personnellement représenter dans une cérémonie très parlante en termes de reconnaissance des horreurs commises en Algérie par le système colonial. Le président Tebboune a totalement raison de considérer son homologue français comme un allié dans l'entreprise de réconciliation mémorielle entre l'Algérie et la France. L'on sait d'ailleurs, de très bonne source, que le rapatriement des crânes des martyrs tués par l'armée coloniale au XIXe siècle a pu se réaliser grâce au concours précieux de l'hôte de l'Elysée. Cela sans oublier sa fameuse phrase prononcée à Alger: «la colonisation est un crime contre l'humanité». La reconnaissance du crime d'Etat commis sur Maurice Audin et Ali Boumendjel, participe de cette même volonté de regarder en face le passé de la France en Algérie. Cela n'hypothèque pas l'avenir des relations entre les deux pays. Bien au contraire. Il n'y a qu'à voir la qualité des rapports qu'entretiennent les deux présidents pour s'en convaincre. Les deux hommes savent parfaitement le poids des crimes coloniaux, mais n'en font pas un préalable pour construire une réelle amitié entre les Etats et les peuples. Les uns comme les autres entendent regarder de l'avant, après avoir fermé définitivement le dossier mémoriel. Cela se fera à travers une écriture de l'Histoire commune sur la base d'archives et avec un maximum de sérénité et de responsabilité des deux côtés. Cela, les présidents algérien et français en sont convaincus. Ils l'ont affirmé à moult occasions. Et le geste de Macron, hier, traduit, si besoin, une tendance lourde dans l'approche mémorielle entre Paris et Alger, aujourd'hui parasitée par des lobbies dont la survie tient à la perpétuation d'une haine réciproque qui n'existe que dans leurs têtes et au sein de quelques salles de rédaction. C'est dire que dans cette «guerre des mémoires», qui fait rage en France même, Macron n'a pas dit son dernier mot. En Algérie, il y a un président et un peuple qui lui tendent une main amicale et souhaitent réussir, avec lui, un parcours historique dont la finalité sera la réconciliation des mémoires entre un peuple qui a fait la guerre à un système colonial et un autre, pris aujourd'hui, dans la nasse des nostalgiques de l'Algérie française.