L'homme appréciait l'errance comme essence de toute liberté. Certes, le surréalisme apparaît comme courant littéraire structuré, théorisé avec André Breton dans son «premier manifeste du surréalisme» en 1924 où l'on a jeté les bases de ce mouvement naissant, mais la chose prend ses racines des écrits de Mallarmé, de Paul Verlaine, entre autres, mais surtout d'Arthur Rimbaud, le précurseur. «Une aventure unique dans l'histoire de l'art. Eclat d'un météore allumé sans motif autre que sa présence, issu seul et s'éteignant», ainsi parlait de lui, Stéphane Mallarmé. Le poète est né à Charleville (France) le 20 octobre 1854. A peine âgé de 37 ans, l'auteur d'une Saison en enfer, des Illuminations rend l'âme après une longue maladie dans un hôpital de la ville côtière, Marseille, le 10 novembre 1891. Sur son lit d'agonie, il lançait à sa soeur qui se tenait à son chevet: «Tandis que moi j'agonisais, toi tu errais libre sous le soleil».L'homme qui appréciait l'errance comme essence de toute liberté, savait de quoi il parlait. N'aimait-il pas d'ailleurs à répéter: «Je suis un piéton rien de plus». Mais pour rendre compte de cet amour sans mesure pour l'errance, voici quelques vers à déguster, écrits à l'âge de 16 ans (en 1870): «Par les soirs bleus d'été, j'irais dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue: Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien: Mais l'amour infini me montera dans l'âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la nature, heureux comme avec une femme». Pourtant, le jeune homme n'était pas du tout destiné à ça. Dès son enfance, Arthur Rimbaud fait preuve d'une intelligence inouïe qui étonna d'ailleurs ses maîtres. Mais «l'élève de rhétorique, promis à un bel avenir universitaire, entre en pleine révolte, vit comme un voyou, écrit: ´´Mort à Dieu´´ sur les murs». Là ne s'arrêtent pas ses péripéties, ses pérégrinations, «l'homme aux semelles de vent», ainsi qualifié par Verlaine, son ami, qui aime arpenter les lointains plutôt attiré par l'inconnu, l'ailleurs, aille jusqu'au Moyen-Orient et même l'Afrique où on le trouve tantôt trafiquant d'armes, parfois travailleur dans un chantier, commerçant... «Oisive jeunesse / A tout asservie / Par délicatesse / J'ai perdu ma vie...» «O saisons, O châteaux / Quelle âme est sans défauts?», le poète se repent mais ne se tient pas en place et ne renonce jamais à ses habitudes puisque dans sa vie quotidienne comme dans sa poésie nargue les idées reçues et tourne en dérision toutes les règles artistiques en vogue en son époque. «Il sape les décors inutiles, repousse les tabous métaphoriques, proscrit la linéarité de la signification et ouvre les portes cochères du texte, en utilisant des mots dont les sens ne font qu'illusionner le lecteur à la manière des mirages qui se jouent d'un homme assoiffé.» Le surréalisme qu'on ne peut dissocier du symbolisme apparaît comme une réaction, un antiromantisme dominant où l'on faisait chanter les sentiments, la noblesse de l'amour, la beauté de la nature, l'imagination sans pour autant se démarquer de la réalité. Mais c'est au sortir de la Première Guerre mondiale (1914-1918) que ce mouvement dit surréalisme, commence à prendre forme. C'est qu'après ce désastre (guerre), l'homme n'arrivait pas à comprendre ce qui lui est arrivé tant l'ampleur des dégâts était si immense, un désarroi total d'où la nécessité, voire un besoin vital de surpasser la réalité et la stupidité humaine. C'est l'expression de l'art dans son état brut en explorant le rêve et l'inconscience. D'ailleurs, en 1947, Breton fonda, avec l'apport d'autres amis, «La compagnie de l'art brut» qui s'intéressa aux créations d'artistes marginalisés: les naïfs, les malades mentaux et aux médiums. C'est que la création doit se faire sans barrières, sans intervention de l'état conscient et laisser libre cours à l'inconscience qui incarne la vérité de s'exprimer. «Elle est retrouvée! / Quoi? l'éternité / C'est la mer mêlée au soleil».