Jouant les trouble-fêtes, le maréchal Khalifa Haftar a parasité les préparatifs de l'acte II de la Conférence de Berlin qui s'ouvre, aujourd'hui, pour tenter de parachever le processus de sortie de crise en Libye. Au menu des participants vont figurer deux sujets cruciaux: le retrait des forces et mercenaires étrangers, au nombre de 20 000, selon l'ONU, et l'examen des mesures destinées à assurer la tenue des élections générales prévues pour le 24 décembre prochain. Il faut dire que l'un et l'autre dossier sont intimement liés car on voit mal comment organiser, dans ces conditions, une élection présidentielle, à laquelle Haftar rêve de s'inviter, malgré la décision du Forum de Dialogue Politique interlibyen (FDPL), en décembre 2020, à Tunis, d'écarter de tout rôle politique, aussi bien durant la transition qu'au lendemain du scrutin décisif de fin 2021, les figures prenantes de la crise depuis 2011. Seront présents à Berlin les principaux pays impliqués dans le conflit et, pour la première fois, le gouvernement de transition récemment investi par le FDPL. Le 19 janvier 2020, une première conférence avait réuni dans la capitale allemande, sous l'égide des Nations unies, les dirigeants des pays impliqués dans le conflit et elle avait ouvert la voie à un accord fragile permettant, tout à la fois, l'émergence du FDPL et d'un comité militaire mixte 5+5 qui a scellé l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu durable. Aujourd'hui, il s'agira de faire un bilan des avancées enregistrées sous l'égide des Nations unies et de parvenir à une nouvelle feuille de route qui assurera la stabilisation durable de la Libye, sur la base de nouvelles étapes cruciales parmi lesquelles l'adoption d'une nouvelle Constitution, la préparation active des élections présidentielle et législatives assorties d'un retrait incontournable des forces et mercenaires étrangers toujours présents en Libye. Or, la situation n'incite pas à l'optimisme, au vu des réactions sur le terrain, dont celle du maréchal Haftar qui continue à bousculer le calendrier, au moment où on ne l'attend plus. Au point que d'aucuns croient relever des «doutes» quant à la volonté des parties libyennes, y compris les nouvelles autorités, de tenir le pari du scrutin. Il est vrai que la sortie, le 2 juin dernier, de l'ancien ministre de l'Intérieur, Fathi Bachagha, l'homme fort de Misrata qui sommait le GNA de Dbeibah de ne pas chercher à retarder la tenue des élections avait de quoi refroidir certaines ardeurs. Mais Fathi Bachagha est un plus que probable candidat à cette élection et on comprend sans trop de difficulté la raison de son impatience. Sauf que cette sortie a remis à jour les profonds antagonismes entre les deux pouvoirs rivaux de l'Est (Cyrénaïque) et de l'Ouest (Tripolitaine), de sorte qu'on comprend les soubassements du prétendu défi lancé par le maréchal Haftar en ce moment précis. Ses mentors ont, en effet, l'occasion de mettre, une fois de plus, des bâtons dans les roues de la médiation onusienne et de maintenir, par conséquent, un statu quo fatal aux attentes du peuple libyen qui guette, la peur au ventre, la suite des évènements.