L'année dernière, et à l'occasion de la célébration du recouvrement de la souveraineté nationale, le président Tebboune, qui annonçait, alors, le rapatriement des restes mortuaires de 24 chefs de la résistance populaire, avait tenu à rassurer sur la détermination de l'Etat à «mener à bout cette entreprise, pour réunir tous nos chouhada, sur cette terre qu'ils ont tant chérie et pour laquelle ils ont sacrifié ce qu'ils avaient de plus cher, leur vie». Il avait ajouté qu'il s'agissait là de la «quintessence même de notre devoir de respect sacré à l'égard de nos chouhada et symboles de notre révolution et de notre engagement à ne jamais renoncer à une quelconque partie de notre patrimoine historique et culturel». C'est dans la continuité d'honorer cet engagement, donc, que le chef de l'Etat a décidé, hier, d'inaugurer une fresque murale représentant les exilés, par l'occupation française, en Nouvelle-Calédonie, en Guyane, à Brazzaville et ailleurs. Un geste qui se veut hautement symbolique, confirmant que, peuple et Etat, l'Algérie ne renoncera à aucune partie de sa mémoire et de son histoire parsemées d'épopées et de gloire. Et c'est cette mémoire qui conditionne la qualité des relations entre l'Algérie et la France. Des relations qualifiées de «bonnes» et «apaisées», par Abdelmadjid Tebboune, mais qui ne sauraient être privilégiées «au détriment de l'histoire et de la mémoire». Il avait, auparavant, réitéré que la question de la mémoire «ne saurait faire l'objet de renonciation ni de marchandage». Une position claire, face à laquelle la France d'Emmanuel Macron, tente de s'adapter. Car, le président français tient, à l'approche du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, à conclure le dossier de la «réconciliation des mémoires». Un dossier prioritaire, sur lequel Macron et Tebboune se sont engagés à travailler ensemble. Mais les choses avancent lentement, car, malgré la série d'«actes symboliques» accomplie, ces derniers mois, par le président français, afin de tenter de concilier les mémoires entre les deux rives de la Méditerranée, l'exclusion par la Présidence française, de toutes «excuses» ou «repentance», n'a pas été du goût d'Alger. Dans un entretien à l'hebdomadaire Le Point, le président Tebboune n'a, certes, pas réclamé distinctement, des excuses de l'ex-puissance coloniale, mais n'a pas manqué de souligner que les Algériens veulent «une mémoire reconnue», avant de s'interroger «pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu'ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s'est passé en Algérie?». Et c'est tout à fait juste. Pourquoi la France coloniale ne reconnaît-elle pas ses massacres, ses enfumades, ses déportations et tous ses crimes contre, l'humanité? Ce legs historique, certes peu honorable, est-il trop lourd à porter? Mais peut-on réécrire l'Histoire? Effacer la mémoire? Puisque cela est impossible, à quoi bon, donc, se créer «une fable d'Algérie ''terra nullius'' où la colonisation aurait apporté la civilisation?» comme l'a déclaré Abdelmadjid Tebboune. Si la France tient aujourd'hui au règlement du dossier mémoriel, elle doit comprendre que cela repose sur la reconnaissance officielle, définitive et globale de ses crimes. Concernant les excuses, leur heure viendra lorsque la France acceptera, enfin, de ne plus se voiler la face et d'assumer son passé colonial. Elle se sentira alors prête pour un pareil acte de courage!