La fenêtre ouverte pour une paix des mémoires entre l'Algérie et la France risque de se refermer. Dans un appel passionné à prendre les décisions qui s'imposent pour garantir une paix durable avant qu'il ne soit trop tard, le président Abdelmadjid Tebboune a plaidé pour une «mémoire apaisée, reconnue», entre l'Algérie et la France. Un pays avec lequel il estime indispensable de jeter des «passerelles» tant qu'Emmanuel Macron est aux responsabilités à Paris. Enumérant les crimes commis par la France coloniale, le chef de l'Etat a rappelé que les Algériens attendaient une «reconnaissance totale de tous les crimes». «Nous voulons, c'est une mémoire apaisée, reconnue. Qu'on sorte de cette fable d'Algérie terra nullius où la colonisation aurait apporté la civilisation. (...) Ce n'est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l'on juge. C'est la France coloniale». Pour le président Tebboune, une fois que le passif est réglé, il permettra «une amitié durable entre les deux nations» rappelant à ce propos que l'ancien président algérien, «Houari Boumediene avait dit à Giscard, (ancien président français) qu'on voulait tourner la page, mais sans la déchirer. Et pour ce faire, il faut des actes.» Apostrophé sur sa position concernant des compensations financières de la France pour ses essais nucléaires effectués dans le Sud algérien et leurs retombées, Abdelmadjid Tebboune a rejeté d'un revers de la main cette éventualité. «Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs», a-t-il fustigé. En ce sens, il a demandé à la France de «nettoyer les sites des essais nucléaires», relevant que cette opération est «en bonne voie car aujourd'hui encore, la contamination fait des victimes». Pour Tebboune, la France se doit de «soigner les victimes des essais nucléaires» d'autant, a-t-il soutenu, que le monde «s'est mobilisé pour Tchernobyl alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations». S'exprimant sur le rapport Benjamin Stora sur la colonisation, le président de la République a tenu à préciser que «Stora a rédigé un rapport destiné à son président, mais qui ne nous est pas adressé.» Faisant une comparaison entre les initiatives des anciens présidents français et ce qu'a fait Emmanuel Macron aujourd'hui, Tebboune a reconnu que «ce dernier a été le plus loin» «Oui, on doit le rappeler et l'écrire. Macron a toute mon estime. C'est le plus éclairé d'entre tous. Les autres présidents avaient tous une histoire avec l'Algérie», a indiqué le président Tebboune, qui s'en est pris à ceux «qui en veulent à la politique de Macron envers l'Algérie, lesquels ne représentent qu'une infime minorité». Aussi, le chef d'Etat a estimé que si l'Algérie et la France «n'arrivent pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais, et nos pays garderont toujours une haine mutuelle». À une question sur son insistance sur «la reconnaissance plutôt que la repentance», le président Tebboune a répondu: «Reconnaître, c'est une forme de repentance».