Abiy Ahmed avait promis un nouveau départ à l'Ethiopie, le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, lorsqu'il fut désigné Premier ministre en 2018. Depuis, elle a connu d'importants changements mais est aussi le théâtre d'une guerre et de violences politico-ethniques dévastatrices. Abiy Ahmed est désigné Premier ministre en avril 2018 alors que la coalition au pouvoir depuis 1991, et dont il est issu, vacille sur ses fondations, remise en cause par des manifestations au sein des deux plus importantes ethnies du pays, les Oromo et les Amhara. Premier Oromo à occuper ce poste, il fait souffler un vent du changement dès son arrivée au pouvoir: il fait libérer des milliers de prisonniers politiques, favorise le retour d'exilés, présente des excuses pour les violences d'Etat. Son train de réformes à marche forcée, jusque dans les rangs de l'appareil sécuritaire, lui vaut un grande popularité mais également de fortes inimitiés: deux mois après son arrivée au pouvoir, il est visé par une attaque à la grenade au cours d'un rassemblement à Addis Abeba. A la surprise générale, Abiy Ahmed fait la paix avec son voisin du nord, l'Erythrée, après 20 ans de guerre froide et un conflit meurtrier. L'Erythrée a voté en 1993 son indépendance de l'Ethiopie. Mais les bonnes relations qu'entretenaient les régimes d'Asmara et d'Addis Abeba s'étaient rapidement détériorées pour dégénérer en une guerre sanglante entre 1998 et 2000. En mai 2018, Abiy annonce vouloir mettre un terme au litige frontalier avec l'Erythrée, acceptant la démarcation de la frontière faite en 2002 par une commission internationale indépendante. En juillet de la même année, une rencontre historique a lieu entre dirigeants des deux pays, aboutissant le 16 à la signature d'un accord de paix en Arabie saoudite. En 2019, Abiy Ahmed reçoit le prix Nobel de la paix pour la réconciliation avec l'Erythrée. L'ouverture de l'espace politique s'accompagne d'une résurgence de différends locaux, souvent territoriaux, et de sentiments nationalistes ethniques que les prédécesseurs d'Abiy Ahmed avaient étouffés par une répression de tous les instants. Dans le sud, les Sidama votent en 2019 par référendum pour la création de leur propre Etat régional. D'autres groupes se positionnent pour suivre cette voie et morceler un peu plus un pays abritant une mosaïque de peuples réunis au sein d'un «fédéralisme ethnique». En juin 2020, le meurtre d'un chanteur populaire oromo déclenche des violences interethniques et des affrontements avec les forces de sécurité qui font 160 morts. La région de l'Oromia est le théâtre de massacres, attribués à des groupes rebelles. Dans la région voisine de l'Amhara, des centaines de personnes sont tuées dans des violences politico-ethniques. Fin 2019, Abiy Ahmed démantèle la coalition de partis qui dirige l'Ethiopie depuis 1991 - l'EPRDF - pour la fondre dans une formation unifiée, le Parti de la Prospérité. Le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), qui a dominé la coalition avant Abiy Ahmed, refuse de rejoindre le nouveau parti et affirme ensuite être marginalisé. En septembre 2020, le TPLF, qui s'est replié dans son fief de la région du Tigré, défie le pouvoir central en organisant des élections régionales malgré le report édicté par Addis Abeba à l'échelle nationale pour cause de pandémie. Le 4 novembre 2020, Abiy Ahmed déclenche une opération militaire au Tigré pour renverser le TPLF qu'il accuse d'avoir attaqué deux bases de l'armée fédérale. Fin novembre, Addis Abeba proclame la victoire avec la prise de la capitale régionale Mekele. Huit mois plus tard, après une contre-offensive, les forces soutenant le TPLF contrôlent à nouveau la majeure partie du Tigré, dont Mekele. Un cessez-le-feu a été décrété fin juin. La guerre, marquée par des massacres de populations civiles et le recours massif au viol, s'est doublée d'une grave crise humanitaire avec 400.000 personnes menacées par la famine selon l'ONU. M. Abiy avait promis d'organiser les élections les plus démocratiques que l'Ethiopie ait connues. Initialement prévues pour août 2020, les élections parlementaires et régionales furent reportées au 5 juin 2021 en raison de la pandémie provoquée par le coronavirus, puis au 21 juin à la suite de retards logistiques. La guerre au Tigré et les nombreuses violences ailleurs font que ces scrutins n'ont pas eu lieu dans environ un cinquième des 547 circonscriptions que compte ce pays de quelque 110 millions d'habitants. Samedi, la commission électorale a annoncé la victoire écrasante du parti de M. Abiy, le Parti de la prospérité, pour ce qui concerne les circonscriptions ayant pris part au vote.