Anticipant la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU, jeudi dernier, à la demande de la Tunisie, sur le litige qui oppose l'Ethiopie à l'Egypte et au Soudan, autour du méga-barrage sur le Nil, Addis Abeba avait, deux jours plus tôt, dénoncé «l'ingérence» de la Ligue arabe dans un différend qui, affirme le gouvernement éthiopien, relève des prérogatives de l'Union africaine (UA). Fin juin, à Doha (Qatar), l'organisation pan arabe avait déclaré, au sortir d'une réunion unanime consacrée au Barrage sur le Nil, en marge d'un Conseil des ministres des Affaires étrangères, qu'elle soutenait une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur cette affaire, arguant que le processus en cours sous l'égide de l'UA, s'est enlisé. La Tunisie, membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, avait été chargée de porter la doléance, compte tenu du fait que la position des Etats membres était unanime, entérinant le droit de l'Egypte et du Soudan de recourir à «des mesures graduelles par étapes», dont celle d'une saisine du Conseil de sécurité de l'ONU, dans la mesure où «la sécurité de l'approvisionnement en eau de l'Egypte et du Soudan est une partie intégrante de la sécurité nationale arabe». Lors de cette réunion de juin, l'Egypte et le Soudan ont présenté un argumentaire soumis à l'examen du conseil des MAE arabes dont aucun membre n'a exprimé une quelconque réserve, constatant que la médiation, conduite par la Présidence congolaise de l'Union africaine, n'a donné aucun résultat. De quoi engendrer la «consternation» des autorités d'Addis Abeba face à une position qu'elles jugent «erronée» par rapport «aux droits légitimes de l'Ethiopie». «L'Ethiopie rejette l'ingérence fâcheuse de la Ligue des Etats arabes dans l'affaire du Grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD) après la soumission par la Ligue d'une lettre au Conseil de sécurité de l'ONU et à l'Assemblée générale de l'ONU pour intervenir dans cette affaire», avait aussitôt proclamé le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Demeke Mekonnen, tout en exprimant sa «déception» au Conseil de sécurité auquel il a affirmé que «la Ligue des Etats arabes est réputée pour son soutien inconditionnel à toute revendication présentée par l'Egypte, au sujet du Nil». Voilà bientôt dix ans que le gigantesque projet de Grand barrage de la Renaissance (GERD), entamé en 2011 par l'Ethiopie sur le Nil Bleu, constitue un lourd contentieux entre les trois pays qui revendiquent, chacun, le droit à la manne du fleuve nourricier. Addis Abeba estime que ce projet est vital pour son autonomie énergétique et son développement, tandis que Le Caire et Khartoum y voient une agression caractérisée envers leurs ressources en eau. Comme elle l'a souvent répété, l'Ethiopie, après avoir opéré la première phase de remplissage à l'été 2020, vient tout juste de procéder à la deuxième phase de remplissage, passant outre l'accord préalable revendiqué par l'Egypte et le Soudan. Hier, l'Egypte a réagi en dénonçant fermement ce qu'elle considère comme une «mesure unilatérale». Convaincu qu'un «accord peut être atteint» sous l'égide naturel de l'Union africaine, le Conseil de sécurité a botté en touche, non sans recommander aux trois parties l'importance d'une «confiance réciproque». Des observateurs avertis n'ont pas manqué d'évoquer, à ce stade, l'opportunité d'une médiation algérienne qui, sous l'égide de l'UA, pourrait conduire à surmonter les ultimes obstacles sur la voie d'une entente cordiale.